she
came
in
thro
ugh
t h e b a t h r o o m w i n d o w
1er juillet 1940, les Allemands sont dans le Bassigny. Eugène Bernard n'en verra pas plus. La mort le touche avant le regard de l'occupant. Maurice, neuvième d'une fratrie de dix, est orphelin de père à quinze ans. Il assurera une part grandissante dans l'exploitation. Avec la flamme que son enfance lui a insufflée, il mettra la force de ses bras et l'acuité de son regard au service d'une détermination sans égale dans le voisinage. Sa force de travail, celle que Karl Marx a mise en lumière dans Le Capital, restera inégalée. Décembre 2020, il rend son dernier souffle. Il s'en va retrouver Eugène, qu'il a si bien aimé et auquel il a rendu, bonifiée, la fierté du travailleur de la terre. Connaître son père et lui survivre quatre-vingts ans, rares sont ceux qui y parviennent.
L'âme du corps, où la chercher, comment établir le contact, comment entrer en communi- cation et négocier avec elle ? « Va voir du côté de l'esprit »
me souffle une petite voix d'un ton familier. Ce doit être la voie indiquée par le bon sens, mais le bon
sens sans la bonne direction, ça ne fait pas avancer la carcasse.
MNÉMOTECHNIQUE POUR TOUS (53)
Cédric O : secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques (en poste)
Frank Pé : dessinateur de BD, belge, La Bête (2020)
Jacky Ickx : pilote automobile de grande longévité, six (6) fois vainqueur des vingt-quatre (24) heures du Mans
Hermann Hesse : écrivain suisse, né à Calw (D), Der Steppenwolf, Prix Nobel 1946
> quel souvenir tu voudrais qu'on garde de toi ?
- un rapiat de boulevard, loin de Poquelin
> tu plaisantes !
- non, un vieux qui a tellement compté
son or qu'il a fini en Picsou Parkinson
> ?..
- comme George Harrison !
> arrête... sans déconner...
- mais je déconne pas, sérieux
> non, vraiment... tu aimerais laisser
quelle image à tes enfants ?
- celle d'un benêt
> ??...
- comme Paul McCartney
Love me do, un hit en puissance - qu'il ne fut pas à sa sortie en 1962, c'était trop tôt. Cette chanson est surtout connue pour être le premier enregistrement des Fab Four sous la houlette de George Martin. Le chorus d'harmonica de John avec ce swing insidieux, les vocaux, la ligne de basse, tout est bon. Bien supérieur à Please please me. From me to you scelle la naissance de la marque "The Beatles from Liverpool", une composition qui dame le pion à Please please me. Et puis She loves you, un rock magistral qui déclencha la Beatlemania all over the world, bien plus sûrement que Please please me. Sans oublier I want to hold your hand, une pépite bringuebalante tout en break and shake. N°1 aux USA, un titre qui éclipse Please please me. Oui, je sais pas pourquoi, c'est bizarre mais Please please me me plaît pas.
Un jour de vacances au jardin, nous avons parlé de Romain Gary. Elle avait rapporté un de ses livres de la bibliothèque du quartier, ou bien c'est Bérengère qui le lui avait prêté. Lequel, je ne sais pas. Ou était-ce un article dans L'Express qui parlait de ce compagnon de la Libération passé à la postérité pour avoir avoir cédé devant le pouvoir des mots ? Elle lisait beaucoup et ne m'en parlait pas. Je lisais un peu et n'en pensais pas moins. Qu'avons donc pu nous dire à propos de RG ? Non pas des renseignements généraux, ça c'était le domaine de daddy. Une impression sur son style, sa vie, en tout cas pas grand chose car il n'en reste rien. C'était peut-être peu après sa mort, et alors nous étions dans des mondes parallèles, elle sous le coup de ce suicide coup de tonnerre et moi pleurant John Lennon, cinq balles dans le dos dans la nuit de NYC. Quand ma mère me manque, j'ai envie d'en parler avec Romain Gary.
ÇA ME PLAÎT (10)
À trop se baigner dans les Pink waters, il arrive qu'on se Floyed. C'est ce qu'il m'est arrivé en 1970. Décrypter les subtilités de la pochette d'Ummagumma ne dure qu'un temps, on s'en lasse. Ils étaient vingt et cent, les pur-sangs qui abreuvaient mes sillons, et j'ai zappé Gilmour, Mason, Waters & Wright. Bien sûr, il y a eu Money et sa cascade de bandits manchots, mais rien à voir avec le réveil-matin discret de A day in the life, « Wake up, fell out of bed, dragged a comb across my head... » Bref, pour en finir avec ces K7 sorties de nulle part dont je vous ai rabattu les oreilles dans un chapitre précédent, je dois avouer, sans vergogne, que j'ai écouté Atom Heart Mother et Meddle pour la première fois en octobre 2020. Je veux dire : d'un bout à l'autre. Bien sûr, j'en ai entendu des bribes, de loin en loin, chez certains vieux potes psyché-babordéliques, et je connaissais ces albums "de pochette", comme on connaît quelqu'un "de vue". Résultat des courses, comme dit mon beau-frère d'Italie, ils me plaisent bien. Peut-être que la vache holstein fait tinter à mon oreille le cliquetis des sabots de Scarecrow et que Fearless m'envoie à Liverpool, dans les tribunes d'Anfield Road. Never mind. Je vais réarmer ma platine phono et déposer Harvest SHVL 781 et SHVL 795 sur l'Aimable Cylindre Délicatement Caoutchouté (ACDC)
> j'imagine l'enterrement de Maradona
- tu veux dire, de Diego Armando Maradona ?
> oui, je crois que ça va être grandiose
- comme Victor Hugo, comme Gandhi...
> non, grandiose dans l'émotion
- une marée humaine, en larmes
> je verrais plutôt ça en petit comité
- Diego, en petit comité, t'es fou !
> avec juste quelques proches
- ah oui, et qui par exemple ?
> deux Pelé et trois tondus
ÇA ME PLAÎT (9)
Après que Natch m'ait passé The Piper at the Gates of Dawn (Le Discobole à Nancy), et que j'aie découvert Saucerful of Secrets tout seul, le balancier est reparti de l'autre côté. C'est Y'ug qui m'a parlé de More, le film de Barbet Schroeder et j'ai eu envie du disque de Pink Floyd. En 1969, Balavoine n'avait pas chanté Sauver l'amour, mais comme je faisais tout à l'envers, je remplaçais l'envie par le besoin. Une petite visite aux Nouvelles Galeries et le tour était joué. J'ai aimé ce disque, plus que le film. J'ai même regretté qu'il ait été gravé pour le cinéma. Cette musique faisait naître tant de paysages que ceux d'Ibiza en cachaient une forêt d'autres. Pas grave. Quelques mois plus tard, Ummagumma me faisait de l’œil dans le présentoir des NG. Faux-semblant, Trompe-l’œil, il était parfait pour fêter la fin de la décade prodigieuse. Je ne l'écoute plus depuis longtemps, mais dans ce lot de K7 dont je vous parlais l'autre jour, il y avait le vol.2 (faut se replacer dans le contexte, en 1976 un double album faisait l'objet de deux K7). Une occasion unique de replonger dans cette époque dorée. En résumé, j'ai été déçu. Pas par le son, encore une fois étonnamment clair, mais par la diversion, la dispersion. Un labyrinthe sonore dans lequel je me suis perdu, sans m'abandonner. Malgré tout, au milieu de cet océan, une bouée, une petite balise, un phare miniature, Grantchester Meadows, une belle chanson qui remet la boussole à plat. Avertissement aux fans irréductibles du groupe : Please, ne lisez pas ce qui va suivre. Cela pourrait heurter plus ou moins gravement votre sensibilité. Grantchester Meadows, de Roger Waters, m'a transporté dans le monde merveilleux de Simon and Garfunkel. N.B. je vous avais prévenu, c'est du brutal.
LIBERTÉ ÉGALITÉ SUR SEINE (17)
En 1946, à sa sortie du mouroir de Rodez, Antonin Artaud est hébergé à Ivry, sur Seine. Sursis dans la malédiction. Il y mourra mais pas son œuvre qui souffle encore, c'est à qui l'attrapera par un lambeau dans le vent de novembre. Je me souviens avoir cherché la rue où était située la clinique qui servit de refuge au poète persécuté. Mais rien ne subsistait, les années d'après-guerre avaient fait le grand ménage. Plus tard, Jean Ferrat lui aussi a vécu à Ivry, dans un grand HLM type Le Corbusier avec balcon terrasse qui domine cet espace urbain où cohabitent mairie, gare et chemin de fer. Il fut un temps où les gares jouxtaient les voies ferrées. Voix Ferrat. Et aujourd'hui, au hasard d'une recherche de(s) mot(s) juste(s), je lis qu'Allain Leprest, bien qu'ayant deux l minuscules dans son prénom et un L majuscule dans son pas trop mime, ou peut-être à cause de ces 3 L, a habité Ivry. Sur Scène. Mon impression première était donc la bonne. Et j'ai bien fait d'accepter ce rendez-vous au n°17 de la rue Pierre Rigaud, vous commencerez le lundi 19 m'avait dit JMV. Le 19 oui, pensé-je dans mon for mixte (mi-intérieur, mi-extérieur), ça me renvoie au siècle (le vingtième), mais avril quatre-vingt-deux, c'est encore mieux. Huit, quatre, deux.
ÇA ME PLAÎT (8)
Dans mes rayons, bien abritées de la fureur du monde, dormaient cinq K7 de Pink Floyd. Alors je les ai réveillées, doucement, et j'ai entrepris de les passer au banc d'essai. Le matériel : un lecteur double cassette JVC TD-W204. Première à entrer dans la trappe, Saucerful of secrets. Surprise, le son est étonnamment bon. Pas de souffle significatif, une dynamique étonnante pour une bande magnétique vieille de 45 ans. Côté musique, rien de nouveau depuis la dernière fois que Let there be more light fit vibrer mes tympans et mon cerveau du côté de l'hippocampe et de l'amygdale. J'adore ce disque, il prolonge le big bang de The Piper at the Gates of Dawn et le dépasse dans l'affirmation et l'ambition, ce qui n'est pas une mince affaire. Syd Barrett est encore là. Jugband blues est de lui, il joue sur Remember a day, mais ça ne va pas au-delà. Comme pour Brian Jones qui gratte sa guitare acoustique pendant Sympathy for the devil, c'est l'embaumement avant la mise au tombeau. Ces deux albums de 1968 sont siamois, reliés par le sillon et par le son, par l'inspiration, sidérale et volcanique. Beggars Banquet et Saucerful of Secrets ont un pouvoir surnaturel, celui de vous maintenir vivant et bien disposé envers l'avenir immédiat, c'est à dire les prochaines 24 heures. Tout comme le portrait de Dorian Gray, ils n'ont pas pris une ride. It's amazing, fifty-two years later !
Alors j'ai bien entendu André Bercoff vitupérer contre Olivier Véran, qui s'était lui-même emporté devant la représentation nationale. A.B. n'a pas de mots assez durs pour qualifier le discours et l'action gouvernementale contre la pandémie. Les morts? Combien sont-ils? Et surtout, QUI sont-ils ? Par bonheur, A.B. nous ouvre les yeux. Ceux qui meurent dans les hôpitaux sont des gens âgés, de plus de 65 ans, plus de 75 ans, qui n'avaient plus que quelques années à vivre. L'arsenal de mesures prises en France n'a aucun sens, aucune justification. On nous ment, on nous spolie de la vie, on nous assassine. Tu as raison André. Je vais me ranger à ton point de vue et m'inscrire sur la liste PANPS. Personne Âgée, Ne Pas Soigner. De cette façon, à mon arrivée à l'hôpital, et à la tienne possiblement, nous serons dirigés vers l'unité de soins palliatifs. Ainsi, plus de surcharge du système de santé due à la Covid, la vie normale peut reprendre. Que n'y avons-nous pensé plus tôt. Merci aux Bercoff, Kaufberg, Bärenkopf ! Heureusement que vous êtes là.
FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (109)
Il y a longtemps que je pense à cette chose. Malheureusement, je suis homme-chien de projets mort-nés. Concevoir est dans ma nature, mais pas concrétiser. Gratter, gribouiller, décrypter les sources d'inspiration et les imaginer en un petit ruisseau paresseux ou en un torrent courant vers sa perte, oui j'y arrive. Travailler et finaliser, non. Alors ce fragment pour vous dire que je vais, je veux mettre la main à la patte. Au delà d'un trait d'humour incertain, ce geste poétique est porteur de symbole. Il témoignera d'un combat initié vers l'an 2001 (thank you Mister Kubrick) pour lier mon sort à celui de mes frères et sœurs, humains et animaux, végétaux et minéraux. Si cette déclaration vous paraît sibylline, soyez rassurés. Vous êtes bien dans le réel, c'est moi qui suis dans le rêve. Cette année cauchemardesque a pour effet de plonger ma part d'humanité dans un profond sommeil :. « We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep », William Shakespeare, The Tempest 1610. Erratum, ce n'est pas mon sort que je veux lier à mes frères et sœurs, c'est mon essence, ma substance, la sève qui ne coule plus dans mon tronc, les mots dont je voudrais qu'ils jaillissent de ma plume comme la griffe de la patte du chat. « Brothers and sisters, why are we fighting? Who's fighting and what for? » Mick Jagger, Altamont concert 1969.
HaSoFiN n° 590
« Madame Larry Seigneur Book, c'est elle qui peut nous gêner ». Vignerot me demande de l'appeler pour notre affaire. Occupé à autre chose, il me tend une feuille rhodoïd vide, sans plus d'explications. Vu ma mine déconcertée - que dois-je faire de ce transparent? - il sort sa botte, qui fut secrète - la première fois - « vous préférez le nuancier? » Faut dire qu'avec Vignerot, en sept années de collaboration, on n'a jamais pu se tutoyer. C'est rare dans la grande famille du BTP, où la hiérarchie cohabite avec un paternalisme séculaire. Je prends le rhodoïd sans discuter. Tout sauf le nuancier. D'après ce qu'on m'en a dit, c'est un truc mis au point dans les années 70 par François Gaye-Dracq pour tester le sang-froid et la réactivité d'un technicien d'étude en cas de visite surprise de la DGCCRF. Une sorte de crash test improvisé, pour voir la capacité du salarié à parler sans rien dire. C'est une boîte de 50 échantillons. Le contrôleur choisit 5 couleurs et vous devez dire à quelles questions elles sont les réponses. Ambiance garde à vue. D'un autre côté, les bureaux très Samouraï Deuxième Souffle de la rue Pierre Rigaud sont le cadre rêvé pour ce genre d'interrogatoire. J'ai envie de me raviser et de dire oui au nuancier. Le regard fatigué de Vignerot par dessus ses lunettes me dissuade de cette récréation à la Melville. Ça sera Miss Lord Book et L’État des Choses.
L' ANCÊTRE
Après une vie fragile, préoccupée
Je repose dans un paisible enclos.
Je prends enfin des vacances parmi des grandes plantes
Et parmi de la terre qui ne bouge jamais.
Les lierres, les orties, qui poussent spontanément,
Sont mes complices.
Ils me parlent de l'air que j'ai tant respiré
(Et qui est) un peu comme une chose à moi.
Dans rien je ne suis plus pour rien ;
Je vis de pensées sans origines,
Sans avenir, sans souvenir.
Je suis de nouveau compagnon de la force du limon.
Moi qui me suis dressé sur les choses terrestres,
Seigneur et maître,
Elles s’étendent maintenant sur moi.
Armand Robin
- Highland Fling
> quoi Island Fling ?
- pas Island, Highland !
> je vois pas la différence
- une haute terre, un plateau, pas une île
> ah d'accord, et alors ?
- alors c'est un sommet
> faudrait savoir : un sommet ou un plateau ?
- un sommet musical
> mais de quoi tu me causes ?
- Jamming with Edward, le dernier titre
> qui est Edward ?
- Nicky Hopkins, piano
> et qui jamme ?
- Charlie Watts, Bill Wyman, etc
> what? why, man?
Naïveté, infantilisme, handicap cognitif ? Peu importe, il n'en reste pas moins que c'est à la sortie de The Beatles Anthology en 1995 ou à l'occasion du trentième anniversaire de The Beatles, communément appelé White Album, que j'ai appris que c'est Eric Clapton et non George Harrison qui prend le solo de While my guitar gently weeps. Une révélation bien tardive pour moi, mais un secret de polichinelle pour les acteurs du rock sixties en général et le staff technique d'Abbey Road Studios en particulier. Le fait est que ça m'a pris un certain temps pour digérer cette nouvelle. Après, ce fut la maladie de George, l'agression nocturne à Friars Park, la rechute et la mort. Puis il y eut le temps de la calomnie, ignoble, infondée mais pas innocente. Passons. Et voilà qu'en 2020 on me dit que la lead guitar de Taxman, c'est Paul. Difficile à croire pour un fan de la première heure, mais admettons. Qui le dit ? Un nowhere man, impliqué dans la conception ou la réalisation du Trivial Pursuit Beatles, made in USA 2010. Alors, quel sera le prochain scoop ? Que Lou Reed se faisait teinter les cheveux (période Sally can't dance) par un coiffeur originaire de Seine-Saint-Denis ou qu'il connaissait Jarno Saarinen, au point de faire un tour du Salzburgring sur sa Yamaha TZ 350 ? Faut arrêter de vouloir éclairer ces zones d'ombre. Tout ne gagne pas à être su.
FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (108)
Les
chiffres c'est pas fait pour les chiens. Combien de fois ai-je entendu
ce lieu commun. Ce n'est pas vrai. Les chiffres et les chiens, si ça ne
fait pas qu'un, en tout cas ça ne fait pas deux. Et ça ne fait pas d'eux
des étrangers. Comment vous expliquer. Le plus simple est de prendre le premier qui passe. Ce cent-huitième fragment me donne l'occasion de dire la particularité de ce nombre, une combinaison apparemment anodine. Prenez un 1, un 2 et un 3. Élevez le un à la puissance un, le deux à la puissance deux et le trois à la puissance trois. Voilà, la matière est prête à l'emploi. De la matière brute, élémentaire, pure : que des uns, des deux et des trois. Multipliez ce un nu par ce deux au carré et par ce trois au cube. Résultat = 108. C'est merveilleux. Maintenant si vous trouvez mon émer- veillement stupide, je ne me sentirai pas offensé. Chien stupide, mais pas morveux. Si j'aime les chiffres, c'est qu'ils sont francs du collier. Leur substance est limpide, leur trace lumineuse, quant à leur fiabilité elle dépasse tous les autres systèmes de codification et de communication. Notamment le langage articulé. Les mots sont indispensables mais ils ont presque tous plusieurs sens, dans une multitude de langues, ce qui rend leur usage délicat. Prenons le mot Gentil par exemple. Si, vous adressant à quelqu'un(e), ou parlant de quelqu'un à une tierce personne, ou répondant à un groupe d'individus, vous dites « tu es très gentil(le) », ou « il est gentil », ou « vous êtes bien gentils », vous voulez dire : merci beaucoup pour ta gentillesse, il est un peu con, ou vous commencez à m'énerver. Voilà. Quand on est chien parlant ou humain canin et qu'on aime les chiffres, on joue avec, c'est plus marrant qu'avec une baballe.
Il y a quelques jours, une vidéo a été postée sur Tik Tok, dans laquelle un américain se met en scène buvant son jus de cranberry sur une chanson de Fleetwood Mac, Dreams. Point. Circulez, y a rien à voir me direz-vous. Si, il y a à voir, puisqu'en quelques heures des millions de fondus des réseaux zoziaux (copyright L'Empreinte) ont rendu cette vidéo "virale" (de nos jours, c'est le cas de le dire). Et chacun d'y aller de son commentaire sur ce groupe des années 70, qui explosa les chiffres des ventes à l'époque en écoulant des dizaines de millions de copies de Rumours. Sont-ce les millions qui créent la légende ? En tout cas, ils focalisent l'attention. Bref, sur une chaîne française du service public, qu'entends-je hier soir ? On nous parle de Fleetwood Mac, on nous montre des photos de 1977 sur lesquelles on nous présente Mick Fleetwood, membre fondateur, Stevie Nicks et Lindsey Buckingham, mari et femme à la ville et accessoirement chanteuse et guitariste du groupe. Je crois rêver. Pas un mot sur John McVie et Christine Perfect, liés par le mariage eux aussi, mais avant tout piliers du groupe anglo-américain. Enfin, comble du ridicule mais vous l'aviez deviné j'espère, il ne s'en est pas trouvé un sur le plateau pour dire un mot de Peter Green, géant du British Blues, monstre sacré à la Gibson Sunburst, sans qui rien de tout ça ne serait advenu. Vous m'avez fait honte ! Eh oui, encore une fois, je reprends à mon compte les mots de Robert Badinter, sinon avec la même virulence, du moins avec la même amertume. Rest in peace Peter, we love you.
Une tension, une sorte d'émulation mystérieuse règne en ce lieu, mais je ne saurais dire pourquoi. Est-ce un club de loisirs, une Maison du Peuple, un établissement de santé pour personnes à gérer? (en gériatrie?) Rien ne m'est familier. La salle est très grande, quasiment vide. Juste une table et une chaise, un ordinateur, un casque et un micro. J'attends le feu vert. L'homme à la manœuvre me fait signe. Je m'assied. Vous êtes prêt ? J'acquiesce. Ça fait déjà un bout de temps que je suis prêt. La chanson, il fallait l'annoncer dans l'entrée, en attendant son tour. Je l'ai choisie au feeling, ensuite j'ai eu le temps de me préparer. Maintenant que je suis assis, micro à la main, la technique a des ratés. L'écran où je dois lire les paroles est noir. J'essaie de me souvenir des premiers vers, et de la façon de les attaquer. Après, ça viendra tout seul, avec le texte qui défile sous mes yeux. J'ai mis le casque, mais c'est silence radio. L'homme aux lunettes teintées trépigne. Il me fait un signe de la main, genre ça va venir. J'attends. Au fond de la pièce, j'aperçois Clélia qui ma fait un O avec le pouce et l'index. Tout d'un coup, l'intro débourre dans le casque. Chip chip chip chip cheep bee dee waow... il y a les playboys de profession habillés par Cardin et chaussés par... J'ôte le casque et me tourne vers le vigile au costume trois pièces... Hé, c'est pas la fille du père Noël ! Il me toise façon qu'est-ce t'as encore, toi ? Faut que j'me calme, sinon le père fouettard va m'en coller une.
Un Gaston qui fait très peu de gaffes, un Argentin avec un patronyme allemand, Schwartzman au visage pâle, un italien de 19 ans qui ressemble à un viking irlandais, sans oublier T'est-ce t'y s'passe, un éphèbe grec "à la Ilie Nastase"... un vent nouveau souffle sur ce Roland Garros 2020 qui ne ressemble à rien de répertorié... de la froidure, de la réverbération, des matches qui finissent à 2h du matin... ça tombe à pic, le directeur du tournoi a eu le nez creux en commandant ce toit ouvrant sur le court Philippe-Chatrier.