J'ai eu rencontré quelques
êtres extraordinaires
il faisait nuit noire
quand ils ont
vu le jour
- Areski, l'autre jour dans le train, j'étais assise en face d'un mec
> ah oui, c'est l'histoire d'un mec...et qu'est ce qu'il avait ?
- je sais pas, quelque chose d'indéfinissable
> Y avait quoi sur ses tatouages ?
- il était pas tatoué
> un jeune pas tatoué, c'est pas normal
- c'était pas un jeune; au moins 32, 33 ans
> ah bon, tu kiffes les vieux maintenant
- oui, et puis sa petite fossette sur la joue, je te dis pas
> t'arrives à voir les fossettes sous la barbe toi ?
- il avait pas de barbe
> c'est pas normal Brigitte
- peut-être mais son visage exprimait
> il exprimait quoi ?
- des émotions
> n'importe quoi ! Il avait quoi comme smartphone ?
- j'ai pas vu, il l'a pas sorti
> un mec dans le train sans son smartphone,
t'aurais pas tiré un peu fort sur le bédo ?
- non je t'assure, j'étais clean complet
> et il est sorti avec toi ?
- on n'en est pas encore là
> je veux dire, vous avez quitté le train à la même station ?
- oui, on a remonté la rue du Quai l'un derrière l'autre
> il avait pas de trottinette ?
- à pied, je te dis
> ton mec, il est complètement pas normal
- qu'est-ce que t'en sais ?
> un macroniste Brigitte, ou un sortant de prison
- tu vois le mal partout Areski
Déjà à l'époque, je ne distinguais pas Mitch Mitchell de Noel Redding. Je veux dire, leurs visages. Seule une photo de l'Experience en ordre de marche, prêt à envoyer la vapeur mauve, me donnait la carte d'identité du groupe : à la basse, Noel Raide Dingue, et à la batterie, Mitch Elle Mitch. 50 ans plus tard, c'est pareil. Si l'un des deux sonnait à ma porte, j'aurais un temps d'hésitation avant de dire Bonjour Noel ou Salut Mitch. Dommage que le chanteur guitariste ne soit plus sur la brèche, car avec son chapeau, sa moustache et ses dents blanches, c'est le seul que je remets illico. Quel plaisir j'aurais à l'accueillir ! Hi Jimi, what's new in the neighbourhood ?
LA VIE CONJUGUE MAL (16)
Les rayonnages, qu'on appelle à tort "rangements", recèlent souvent beaucoup de bazar. Pour bien faire, il faut y mettre le nez régulièrement et procéder comme dans une fouille archéologique, par couches successives. En surface, des magazines rock, des BD, des pages volantes. Parmi celles-ci, quelques feuilles A4 de toutes les couleurs... je lis : Nouvelles du matin, nouvelles du soir, espoir, chagrin, etc. Bribes de chansons, points de suspension... La vieillesse, un lent amoindrissement des sens, dans tous les sens... Qui a pondu une connerie pareille ? Si vieillir se résumait à se ratatiner dans une atmosphère d’angélus de Millet, ça se saurait. Encore un doux rêveur qui s'est laissé aller, et dont la plume sphincter a souillé le drap de la littérature... « un lent amoindrissement des sens », tu parles d'un morceau choisi, mais par qui ? Peut-être par Ma Teigne ou Le Béotien... de la poésie du prose, à lire en braille avec des gants de boxe. Direction recyclage carton papier. J'la froisse, j'la tasse, j'l'emboule et dans ma main je vois un nom... Jean Rumin. Défroissage. "Petite histoire de Jean Rumin". Je connais le type qui a écrit ça. C'est le même qui parlait du dédoublement de la personne alitée. C'est moi. Putain de pétard de Pétain, il fait pas bon être soi, surtout quand on ne fait qu'un avec lui.