Le Nouvel Observateur - Pourquoi parlez-vous si peu, pour ainsi dire jamais?
Serge Cazzani. - Je pense que ce que j'ai à dire n'est pas intéressant, je ne suis jamais que le fils de sa sœur.
N. O. - Mais vous avez bien connu Georges Brassens...
S. Cazzani. - Pas avant 1953. Il
n'avait même pas assez d'argent pour descendre à Sète voir sa famille.
Quand le succès est arrivé et qu'il a commencé à être plus à l'aise, il
venait souvent. Pour moi, Georges était une sorte d'oncle d'Amérique.
J'avais une mère autoritaire et possessive, si bien que quand mon oncle
venait, il me sortait de ma «prison». Lui aussi considérait que ma mère
était trop possessive. En même temps, il avait une reconnaissance
infinie pour elle car, durant l'enfance, elle l'a protégé comme une
seconde mère, cachant par exemple ses bulletins scolaires déplorables
pour qu'il ne se fasse pas disputer par ses parents. Aussi, surtout, sur
son gramophone elle lui a fait découvrir Mireille, Tino Rossi, Pills et
Tabet, Jean Tranchant mais aussi les opérettes, dont elle raffolait.
N. O. - A la mort de Georges Brassens, vous avez été convoqués, votre mère et vous, pour ouvrir le testament. Et là, surprise...
S. Cazzani. - J'étais en effet
très étonné que nous soyons ses héritiers. Il avait bien sûr laissé une
rente à sa compagne, Püppchen, ainsi que l'usufruit de tous les
appartements qu'il prêtait à ses amis, dont la maison de l'impasse
Florimont à son secrétaire particulier, Pierre Onténiente. Ma mère et
moi avons donc été surpris qu'il lègue tout à sa famille. Georges était à
moitié italien par sa mère, il a donc été élevé avec l'idée que la
famille est une valeur primordiale.
N. O. - Votre mère,
Simone, qui était donc la demi-sœur de Georges Brassens, s'est
retrouvée en 1981 à la tête d'une œuvre à gérer. Elle était néophyte.
Comment s'en est-elle sortie?
S. Cazzani. - A chaque fois
qu'une proposition lui arrivait, elle se tournait vers Pierre Onténiente
ou Jacques Caillard, du label Phonogram, la maison de disques de
Georges. Depuis la mort de ma mère en 1994, cette lourde tâche me
revient. En ce qui me concerne, je demande systématiquement son avis à
Gérard Davoust, président des Éditions Raoul-Breton, qui a connu Georges
dès ses débuts. C'est un homme honnête, droit et compétent. Il arrive
qu'il m'engueule si je prends une décision trop hâtive. Mais d'une
manière générale, nous gardons en mémoire les principes de Georges et
tentons de les appliquer.