jeudi 7 mai 2020

HaSoFiN  n° 551 / 560

C'est la promenade autorisée, 1 heure maximum, à 1 km du domicile. Temps couvert, vent froid. 4°C en milieu d'après-midi. La petite rue qui court à flanc de coteau est déserte. Je marche seul, je marche vite pour me réchauffer. Dans le haut de talus à droite, j'entends les buissons qui frissonnent. Quelques secondes plus tard, un petit chevreuil saute sur le bitume, dans un cliquetis de sabots. Il est là, immobile, 10 mètres devant moi. Il tourne la tête et vient à ma rencontre. Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as fait une fugue ? Il tend sa tête pour une caresse. Je lui gratte le cou en remontant sous la mâchoire. Ses oreilles frétillent. Toi t'es pas sauvage, soliloqué-je, surpris par ce comportement très social. Tu finis le tour avec moi ? Il a l'air partant. Je reprends ma route, doucement, puis je presse le pas pour voir, m'attendant à le voir détaler à tout moment. Non, il me suit docile, au pas cadencé, son museau vient taquiner mon aisselle. Nous attaquons la partie du chemin qui descend. Si ça n'avance pas assez vite, ne m'attends pas, lui dis-je pour le mettre à l'aise. « J'ai tout mon temps » me répond une petite voix chevrotante, artificielle. STOP !!!..

Je m'arrête net. Quoi ? Qui parle ? Un rapide coup d’œil alentour, personne à l'horizon, personne à proximité. La truffe du petit cervidé brille. Il regarde droit devant, mais je vois qu'il capte parfaitement mon air ébahi. Je pose une main sur sa tête. C'est doux, c'est chaud. C'est toi ? Il sourit de tous ses traits, comme un enfant en fête. Dis-moi que je rêve... tu n'es pas un chevreuil parlant ? « Un daguet parlant » Ah bon... et tu me dis ça comme ça ? Mon état de sidération l'amuse beaucoup, je vois la malice dans son regard qui fuit le mien et plonge vers la rivière, loin là-bas dans la clarté du soleil froid. Nous reprenons notre marche vers le carrefour des Garets tout proche. Tu sais, lui dis-je sans le regarder, car j'ai vu sa façon de communiquer, personne ne va me croire. « Problème d'humain » rétorque-t-il. Et toi, tu as quoi comme problème de chevreuil ? « De daguet. »

Ah oui, de daguet, excuse-moi j'avais oublié... mais les états d'âme doivent être du même ordre, non ? « Tu crois ça ? Imagine-toi avec des questionnements de chimpanzé » Je m'arrête et je le fixe droit dans les yeux. Pour la première fois, il me regarde en face, calme et attentif. Toute malice a disparu. Une distance, une forme de froideur, c'est tout ce que je vois, tout ce qui reste. Soudain il relève la mâchoire, son poitrail frémit. En une fraction de seconde, le voilà qui s'élance dans le pré voisin. Hé, ho... où tu es parti ??... Trop tard, il est déjà loin. Je baisse le front, piteux. J'ai même pas pensé à faire un selfie.

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