FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (113)
FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (112)
Au bord du chemin était la fidélité. Nichée au creux du fossé, de peur d'être aimantée par le double sens de circulation. Fidèle était-elle, fi d'elle faisait-elle, porteuse si pas sherpa. Muette à ses heures, souvent carpette, elle comprenait l'humarticulé mais s'exprimait en canis sapiens. Elle était fidèle comme une chienne et avait le silence facile. La musique était un col de dentelle autour de son cou de donna mobile. Elle fredonnait ce frêle refrain du fou chantant, fidèle, fidèle, je suis resté fidèle... oui, rien ne la détournait de sa route déclassée, avec son petit délaissé que personne ne connaissait. CR 27, chemin rural vingt-sept, qui fait de Crest un petit faubourg de Delft. Un jour que je venais par l'Est, je l'ai prise par l'assentiment et l'ai couchée dans un bon nid. C'était pour lui changer la nuit, lui ai-je bon nid menti. Elle n'a pas dit non, mais après huit heures dans un grand lit et une demi-matinée au jardin, elle a voulu retrouver son accotement, sa banquette lui manquait. Alors je l'ai reconduite sur son bas-côté. Elle m'a bécoté et sans m'éconduire m'a fait comprendre qu'il fallait la laisser tranquille. Elle est à ré ailes, elle ne sait pas prendre attache, seulement tisser des liens. Avec du fil de bouche bée, fait pour rapprocher, pas pour entraver. Poésie du fossé, passer, prendre congé. Elle m'a tendu sa joue, j'ai respiré.
FRAMMENTI DI UN MANIFESTO CANINO (111)
Contrariamente a quanto si crede, gli anni non passano più velocemente attraverso un cane che attraverso un essere umano. Ma le tracce che lasciano - allineamenti di piccole ossa mistiche, proprio come i ghiacciai accumulavano morene - sono diverse. Cucciolo, non riuscivo a vedere oltre la punta del naso. Se ho capito la complessità del mondo reale, non ho misurato le sue dimensioni. James Purdy è stato fotografato in L'Express per il suo libro "Eustace Chisholm and the Works". C'era anche questo "Saggio di una certa portata sulla sporcizia" di Christian Enzensberger. L'avevo trovato ma non lo leggevo. Illeggibile, lo era, ma infinitamente inferiore alla realtà che si dispiegava in silenzio alle mie spalle. Il numero indicibile, il nome innumerevole. Niente e nessuno può affrontare questi due siamesi che, a loro volta, svelano e coprono il Reale (una R maiuscola, ma senza rispetto, con rabbia). Questo è quello che ho scoperto alla fine dei miei giorni che mi fa impazzire. Se avessi saputo trarne le conseguenze nel fiore degli anni, o se ne avessi la preconoscenza, tutto verrebbe cancellato. Purtroppo questo non è avvenuto. Accecato da non so quale speranza, ho gettato il mio sassolino nella fossa. E ora che l'illusione è messa a nudo, aspiro al nulla. Emil ha detto tutto, a nome suo e di altri : tutto è superfluo, sarebbe bastato il vuoto.
FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (109)
Il y a longtemps que je pense à cette chose. Malheureusement, je suis homme-chien de projets mort-nés. Concevoir est dans ma nature, mais pas concrétiser. Gratter, gribouiller, décrypter les sources d'inspiration et les imaginer en un petit ruisseau paresseux ou en un torrent courant vers sa perte, oui j'y arrive. Travailler et finaliser, non. Alors ce fragment pour vous dire que je vais, je veux mettre la main à la patte. Au delà d'un trait d'humour incertain, ce geste poétique est porteur de symbole. Il témoignera d'un combat initié vers l'an 2001 (thank you Mister Kubrick) pour lier mon sort à celui de mes frères et sœurs, humains et animaux, végétaux et minéraux. Si cette déclaration vous paraît sibylline, soyez rassurés. Vous êtes bien dans le réel, c'est moi qui suis dans le rêve. Cette année cauchemardesque a pour effet de plonger ma part d'humanité dans un profond sommeil :. « We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep », William Shakespeare, The Tempest 1610. Erratum, ce n'est pas mon sort que je veux lier à mes frères et sœurs, c'est mon essence, ma substance, la sève qui ne coule plus dans mon tronc, les mots dont je voudrais qu'ils jaillissent de ma plume comme la griffe de la patte du chat. « Brothers and sisters, why are we fighting? Who's fighting and what for? » Mick Jagger, Altamont concert 1969.
FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (108)
Les
chiffres c'est pas fait pour les chiens. Combien de fois ai-je entendu
ce lieu commun. Ce n'est pas vrai. Les chiffres et les chiens, si ça ne
fait pas qu'un, en tout cas ça ne fait pas deux. Et ça ne fait pas d'eux
des étrangers. Comment vous expliquer. Le plus simple est de prendre le premier qui passe. Ce cent-huitième fragment me donne l'occasion de dire la particularité de ce nombre, une combinaison apparemment anodine. Prenez un 1, un 2 et un 3. Élevez le un à la puissance un, le deux à la puissance deux et le trois à la puissance trois. Voilà, la matière est prête à l'emploi. De la matière brute, élémentaire, pure : que des uns, des deux et des trois. Multipliez ce un nu par ce deux au carré et par ce trois au cube. Résultat = 108. C'est merveilleux. Maintenant si vous trouvez mon émer- veillement stupide, je ne me sentirai pas offensé. Chien stupide, mais pas morveux. Si j'aime les chiffres, c'est qu'ils sont francs du collier. Leur substance est limpide, leur trace lumineuse, quant à leur fiabilité elle dépasse tous les autres systèmes de codification et de communication. Notamment le langage articulé. Les mots sont indispensables mais ils ont presque tous plusieurs sens, dans une multitude de langues, ce qui rend leur usage délicat. Prenons le mot Gentil par exemple. Si, vous adressant à quelqu'un(e), ou parlant de quelqu'un à une tierce personne, ou répondant à un groupe d'individus, vous dites « tu es très gentil(le) », ou « il est gentil », ou « vous êtes bien gentils », vous voulez dire : merci beaucoup pour ta gentillesse, il est un peu con, ou vous commencez à m'énerver. Voilà. Quand on est chien parlant ou humain canin et qu'on aime les chiffres, on joue avec, c'est plus marrant qu'avec une baballe.