lundi 10 mai 2021

FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN  (112)

Au bord du chemin était la fidélité. Nichée au creux du fossé, de peur d'être aimantée par le double sens de circulation. Fidèle était-elle, fi d'elle faisait-elle, porteuse si pas sherpa. Muette à ses heures, souvent carpette, elle comprenait l'humarticulé mais s'exprimait en canis sapiens. Elle était fidèle comme une chienne et avait le silence facile. La musique était un col de dentelle autour de son cou de donna mobile. Elle fredonnait ce frêle refrain du fou chantant, fidèle, fidèle, je suis resté fidèle... oui, rien ne la détournait de sa route déclassée, avec son petit délaissé que personne ne connaissait. CR 27, chemin rural vingt-sept, qui fait de Crest un petit faubourg de Delft. Un jour que je venais par l'Est, je l'ai prise par l'assentiment et l'ai couchée dans un bon nid. C'était pour lui changer la nuit, lui ai-je bon nid menti. Elle n'a pas dit non, mais après huit heures dans un grand lit et une demi-matinée au jardin, elle a voulu retrouver son accotement, sa banquette lui manquait. Alors je l'ai reconduite sur son bas-côté. Elle m'a bécoté et sans m'éconduire m'a fait comprendre qu'il fallait la laisser tranquille. Elle est à ré ailes, elle ne sait pas prendre attache, seulement tisser des liens. Avec du fil de bouche bée, fait pour rapprocher, pas pour entraver. Poésie du fossé, passer, prendre congé. Elle m'a tendu sa joue, j'ai respiré.

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