samedi 1 décembre 2018

FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (96)

Chiot, je ne savais pas ce que signifiait le mot hérédité. Jeune chien, je ne soupçonnais toujours pas ce qu'il pouvait recouvrir. Je me souciais comme d'un os plat de savoir à qui je pouvais ressembler et dans quelle mesure cela me déterminerait. Mais dans chien parlant, il y a "parlant" et donc "humain", puisque le langage articulé est, jusqu'à preuve du contraire, le privilège de l'homme. C'est donc à l'âge mûr, vers 45 ans, que je tombai dans le piège tendu à chacun par sa propre condition et que je pus mettre des mots sur ce trouble, cette souffrance. Mes yeux se sont décillés et j'ai compris que ma liberté d'action et de décision étaient proches de zéro. Quand j'entendais le mot "déterminé", je ne comprenais pas volontaire ou ambitieux, mais limité, dépendant. Dans ces conditions, je devins un chien fataliste, voire défaitiste. Chaque année qui passe me le rappelle, je ferai, au mieux, aussi bien que mon père. Si la mécanique génétique s'enraye, je ferai moins bien. Dernier exemple en date, les médicaments. Je le revois avaler toutes ces gélules, pilules, solutés, etc. et me demander comment il en était arrivé là. Cinquante ans après, je ne me le demande plus, j'en suis au même point. Tu es la preuve vivante que les médicaments ne sont pas nocifs, lui disait mon oncle. Si j'en ai souri, je n'en suis pas fier.

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