mardi 3 novembre 2020

 HaSoFiN  n° 590

« Madame Larry Seigneur Book, c'est elle qui peut nous gêner ». Vignerot me demande de l'appeler pour notre affaire. Occupé à autre chose, il me tend une feuille rhodoïd vide, sans plus d'explications. Vu ma mine déconcertée - que dois-je faire de ce transparent? - il sort sa botte, qui fut secrète - la première fois - « vous préférez le nuancier? » Faut dire qu'avec Vignerot, en sept années de collaboration, on n'a jamais pu se tutoyer. C'est rare dans la grande famille du BTP, où la hiérarchie cohabite avec un paternalisme séculaire. Je prends le rhodoïd sans discuter. Tout sauf le nuancier. D'après ce qu'on m'en a dit, c'est un truc mis au point dans les années 70 par François Gaye-Dracq pour tester le sang-froid et la réactivité d'un technicien d'étude en cas de visite surprise de la DGCCRF. Une sorte de crash test improvisé, pour voir la capacité du salarié à parler sans rien dire. C'est une boîte de 50 échantillons. Le contrôleur choisit 5 couleurs et vous devez dire à quelles questions elles sont les réponses. Ambiance garde à vue. D'un autre côté, les bureaux très Samouraï Deuxième Souffle de la rue Pierre Rigaud sont le cadre rêvé pour ce genre d'interrogatoire. J'ai envie de me raviser et de dire oui au nuancier. Le regard fatigué de Vignerot par dessus ses lunettes me dissuade de cette récréation à la Melville. Ça sera Miss Lord Book et L’État des Choses.

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