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lundi 17 juillet 2017

G & M-E  (10)

Rock & Folk : Vous trouvez le rock tellement faiblard que vous ne lui tirez même plus dessus. Une ambulance passe...

Marc-Édouard Nabe : Exactement. Le combat n'est plus là. Tout ça vient de la country, du mélange avec le folk, ce que vous appelez le rock & folk, mes deux abominations. J'abhorre le folk, j'exècre le folk, je vomis le folk... Vous connaissez le mot de Buddy Rich, un batteur blanc qui n'a pas le swing de Sam Woodyard, mais techniquement c'est un génie. Personne ne peut faire ce qu'il fait, même les Noirs. Il a été opéré à la fin de sa vie et avant l'anesthésie, le médecin lui demande s'il était allergique à quelque chose et il a répondu : « Oui, à la musique country ». Et il est mort sur cette magnifique parole...

mardi 11 juillet 2017

G & M-E  (9)

Rock & Folk : Et ces déclics, c'était quoi ?

Gérard Manset : Le premier déclic. En dessin, j'étais très doué, ce qu'on appelle « doué ». Et j'ai toujours cru que je dessinais très bien. Je suis entré aux Arts Déco sans passer le concours, je suis entré direct, je faisais de la gravure, j'avais eu des médailles, j'avais eu le concours général et différentes - comment dit-on - distinctions. Bon. Et puis je suis allé voir un peintre - je tairai son nom ; c'est un peintre français connu, qui laissera des traces - je me prenais pour un roi du dessin et j'ai pu le rencontrer. Je lui ai montré ce que je faisais. Il m'a dit : « Il faut dessiner de la main gauche »

Rock & Folk : Ça pourrait expliquer une certaine tentation de la difficulté ?...

Gérard Manset : Oui. C'est la phrase-clef. J'ai écrit la musique, je ne savais pas l'écrire. J'ai fait le studio, je ne connaissais rien à l'électronique... Quant à l'autre déclic, c'était... la première fois où j'exposais des gravures. J'étais très jeune. Dix-sept ans. Et dix-sept ans il y a quinze ans, ce n'est pas dix-sept ans aujourd'hui. Il n'y avait pas eu mai 68 ni trente-six sortes de conneries qui se sont produites depuis. La majorité était à vingt-et-un ans, il y avait un million de choses... j'étais dans le 16ème, je passais mon temps sur les Champs- Élysées (...)

mercredi 5 juillet 2017

G & M-E  (8)

Rock & Folk : Un grand sujet vous a échappé : Michael Jackson...

Marc-Édouard Nabe : Trop tard. Le livre* était fini quand il est mort. Sur les blogs, comme certains me comparent à Prince, d'autres comparent Houellebecq à Michael Jackson. Nous sommes du même âge tous les quatre. Il y a Michael Houellebecq et Prince Nabe ! Je vous répercute ce qu'on dit sur le net. D'un côté, il y aurait Michael qui fait une musique plutôt commerciale, un personnage trafiqué, assez louche, capable de devenir la bonniche de ses fans. Et de l'autre un Prince joyeux, non refait, plus exigeant, hargneux, qui cherche. Je me retrouve plus chez lui à essayer de bouleverser le système de la production, tandis que Michael restait bien pépère du côté du pouvoir.

Rock & Folk : Que pensiez-vous de l'artiste ?

Marc-Édouard Nabe : Le danseur, très bien. La musique, bof... Sa musique sert de fond sonore au Loto, par exemple. On ne peut pas faire ça avec Prince. Quand Michael Jackson est sorti de la patte Quincy Jones, il est tombé dans la soupe...

* L'Homme Qui Arrêta d'Écrire

vendredi 30 juin 2017

G & M-E  (7)

Rock & Folk : Dans Le Masque Sur le Mur, c'est toi qui joues de la guitare sèche.

Gérard Manset : Oui, là, je le fais moi-même. Parce que si je l'explique, on y passe quatre heures. Si j'écris et que je prends des musiciens qui savent parfaitement lire, ils vont me faire un truc un peu mollasson. Tu peux écrire, tu peux même indiquer un doigté et puis avoir quelque chose de complètement différent. Sans ça, il n'y aurait plus de musique. Pourquoi Pink Floyd a-t-il un pianiste super, pourquoi Elton John a-t-il ce toucher particulier, pourquoi les Beatles, au début, alors qu'ils jouent comme des pieds, ont-ils ce son ? Ils jouent comme des pieds, les Beatles, au début ; mais quand ils touchent leurs notes de guitares, ils savent ce qu'ils veulent et c'est vrai. Dans Le Pont, j'ai une superbe guitare. C'est David qui me l'a faite. Mais je suis obligé de l'égorger pour qu'il me fasse ces guitares-là ! Il faut des pièges. Si je ne le prends pas tout de suite, après il passe trois heures à me refaire d'autres guitares ; elles sont toutes plus belles les unes que les autres, mais en fait elles sont cons comme la lune. Ce n'est pas ça. Les musiciens ne se rendent pas compte qu'ils ont une sensibilité encore un peu préservée à la première audition des choses. Après... c'est la technique. Alors ils ont toujours l'impression que je les presse, que je sabote, que je bâcle...

dimanche 25 juin 2017

G & M-E  (6)

Rock & Folk : Votre premier disque acheté ?

Marc-Édouard Nabe : Je n'en ai jamais acheté, je suis né là-dedans. Billie Holiday, je l'écoutais dans le ventre de ma mère, je n'ai pas eu besoin d'accéder à la vraie grande musique.

Rock & Folk : Donc pas de disque, d'électrophone ?

Marc-Édouard Nabe : Non, j'avais tout ça à disposition par mon père (Marcel Zanini - NdA). Il avait 3000 disques. Quand il a vécu quatre ans à New York, il achetait avec ses petits moyens un disque qui venait de sortir par semaine. Un jour, c'était Duke Ellington, après Charlie Parker, etc. J'ai baigné là-dedans toute ma vie. J'ai un héritage spirituel et une oreille musicale formée avec un telle exigence qui est naturelle pour moi, qu'évidemment, mes parents et moi, on riait en entendant des choses que vous prenez au sérieux, des trucs comme les Rolling Stones, les Beatles, etc. (...) Ceux qui veulent faire du jazz sont parfois nuls, mais je préfère encore un rocker mauvais qui assume qu'il ne swingue pas, comme le batteur des Stones qui n'en met pas une en place et qui adore Max Roach. Il fait des complexes, et il y a de quoi !

mardi 20 juin 2017

G & M-E  (5)

Rock & Folk : Autrefois, tu te référais fortement à Paul McCartney. En fait, est-ce que ton personnage ne se rapprocherait pas plus de celui, ascétique, de John Lennon ? Avec le temps, McCartney s'est arrondi. Lennon s'était émacié. Toi aussi, non ?

Gérard Manset : Lennon avait plus l'image d'un artiste que Cartney. Cartney a l'image d'un affairiste, d'un mec qui s'organise comme il veut, qui sait maîtriser son destin, alors que Lennon... (...) Les gens m'apparentent plus peut-être à Lennon parce que les produits que je fais sont censés être des produits planants. Sur le plan artistique, effectivement, Lennon a essayé d'aller plus loin. Plus planant. Tout ce qu'a fait Cartney, à la limite, c'est parfait, alors que dans ce qu'a fait Lennon, il y a vraiment beaucoup de choses à jeter. (...) Mais à côté de ça, le résultat, au bout de dix ans, sur la longueur - le problème du lièvre et de la tortue ! - c'est que Cartney on s'en lasse. On n'a plus rien à en apprendre, plus de surprise. On sait que ce sera bien, mais "chanson", petite chanson. Et puis une fois qu'on connaît une voix comme la sienne, bon... Alors que Lennon, on pouvait s'attendre à tout. À des ruptures. On savait que le prochain disque pouvait être différent...

jeudi 15 juin 2017

G & M-E  (4)

Rock & Folk : C'est incroyable que ce soit vous, du haut de vos 50 ans, un mec de droite qui n'aime que le jazz, qui leur délivriez cette conclusion : Que de la gueule...

Marc-Édouard Nabe : Ce n'est pas nouveau, je n'ai pas attendu 50 ans pour pousser à la révolte, je l'ai toujours fait. C'est navrant de voir ce qui s'est passé lorsqu'il y a eu des révoltes en banlieue très justifiées à cause d'une bavure policière. Comment ça se fait qu'une armée de jeunes types révoltés ont brûlé leurs voitures ou leurs magasins chez eux, ce qui est un acte de désespoir ou de masochisme, plutôt que de le faire ici, à Paris ? Ils auraient dû débarquer sur les Champs-Élysées et tout casser ! C'est ici qu'elles doivent être brûlées, les voitures. C'est contre les flics des Champs-Élysées qu'il faut se battre. Si on veut vraiment prendre la Bastille, on ne le fait pas en banlieue. (...) Malheureusement, ils n'ont aucun intérêt à se révolter, sinon à être enrôlés dans cette espèce d'uniforme, le jogging, la capuche, les baskets et les disques de ce que j'appelle la sous-musique. Tout ce qui s'est passé dans les années 50, le rock et le reste, c'est de l'attendrissement puéril sur un genre franchement mineur.

samedi 10 juin 2017

G & M-E  (3)

Rock & Folk : et la musique alors ?

Gérard Manset : j'aime bien Dire Straits, mais c'est exceptionnel. Normalement, je ne supporte pas les Anglais. Leonard Cohen, c'est insupportable. Si j'avais vraiment une vie musicale de ce genre, je me tire une balle ! (...) En France, la grande majorité des choses est très médiocre. Et je pense que la totalité de la médiocrité française se trouve concentrée dans la musique. Si tu n'as pas la réaction d'être horrifié, tu es perdu. Je te raconterai tout à l'heure à propos des médailles au Salon des Artistes. L'académisme. Brassens, par exemple, c'est pour moi le sommet de la médiocrité en ce qui concerne le côté culturel ou littéraire. Le ronron. Il n'y avait que des Brassens à cette distribution de médailles de ma jeunesse.

lundi 5 juin 2017

G & M-E  (2)

Rock & Folk : Dans les années 80, vous avez demandé à la télévision qu'on interdise le rock...

Marc-Édouard Nabe : Oui, j'étais énervé, mais il y avait de quoi. J'ai été élevé dans la vraie musique, le jazz notamment. Quand vous avez des Africains qui jouent du tam-tam, ce n'est pas primaire, ils ont 150, 200 ans d'avance rythmique sur n'importe quel batteur de rock. Ce que vous appelez le rock, il faudrait le définir. Disons que le rock c'est le non swing incarné. Et comme par hasard c'est blanc. Pour moi, il faut que ce soit vraiment noir pour que ça apporte quelque chose de profond. Bon, il y a des exceptions... Techniquement, le jazz est très sophistiqué. En quoi c'est mieux que le rock ? C'est une question de richesse, d'inventivité, d'audace. Chaque solo de grand jazzman est une caverne d'Ali Baba qui ruisselle de trésors. Un passage de guitare de rocker ressemble à un obscur grenier croulant de vieilles brocantes rouillées.

mardi 30 mai 2017

G & M-E  (1)

Rock & Folk : Tu t'ennuies, quoi ? Tu vis trois heures par jour. Et après tu te traines ? (...)

Gérard Manset : (...) Malheureusement, j'ai cette particularité, par rapport aux autres, que je m'ennuie. J'ai envie de jouer aux échecs, mais ça me fait chier de jouer aux échecs. J'ai envie d'aller au ciné, mais le ciné m'emmerde. J'ai envie de lire, mais je ne peux pas lire plus d'un quart de page... et tout est comme ça. Je ne regarde pas la télé, je n'écoute pas la radio, je ne vais pas aux spectacles, tout me fait chier. Tout. Je ne sais pas à quoi ça tient. C'est devenu une lassitude systématique. Peut-être parce que je sais, au fond de moi, que ça ne m'apprendra rien. Aujourd'hui, il n'y a que le « vécu » qui m'intéresse, et c'est uniquement ma propre expérience qui peut m'apporter quelque chose. On va encore me jeter les tomates de l'égocentrisme, mais je n'y peux rien. C'est comme ça.

jeudi 25 mai 2017

G & M-E  (0)

Un certain nombre de gens, plus qu'on ne le croit, voient le bon côté de la vie, trouvent dans le monde et dans l'être humain des raisons d'espérer, de se réjouir. Heureusement, je ne fais pas partie de ces happy few, mais je compatis à leur bonheur et à leur optimisme. Ça ne doit pas être drôle tous les jours. Quand je peux leur être d'une aide quelconque, même minime, je le fais volontiers. C'est pourquoi je vais mettre en ligne quelques extraits de deux interviews. La première, de Gérard Manset, est parue dans Rock&Folk n°172 de mai 1981 sous le titre Ogre doux. La deuxième, de Marc-Édouard Nabe, provient du n°513 de mai 2010, rubrique Mes disques à moi. Ces deux artistes ont le pouvoir peu commun de dissiper en un instant toute pensée positive ou bienveillante et vous débarrassent par la même occasion de la légèreté qui accompagne le sentiment de joie de vivre. Ils brossent de l'homme du commun à l'ouvrage un tableau qui donne envie de rester couché 16 heures par jour et rien que pour ça, ils doivent être remerciés. S'il n'y avait que des artistes comme eux, on aurait beaucoup moins peur de la mort, on l'attendrait presque avec impatience, persuadé qu'elle serait porteuse de soulagement, de délivrance. Je commence cette anthologie la semaine prochaine avec la parole de Gérard.