La maison natale de Victor Hugo, je sais où elle est, je suis passé devant maintes fois, sans émotion particulière. Ce n'est pas un auteur auquel je pense. Je n'ai jamais eu envie d'en savoir plus que 1802, Napoléon le Petit, 1885 et le Panthéon. Pour René Daumal c'est différent. De passage à Charleville, j'avais fait le détour pour voir Boulzicourt. Rien de spécial, un village sans charme, traversé par une route bordée de maisons basses. L'envie était forte de frapper à une porte pour demander si la maison natale de RD était encore debout, fut-ce au bord de cette morne RD. J'y retournerais volontiers, accompagné d'un inconditionnel du Contre-ciel, mais ce sont des heures de route. Avant ça, j'avais cherché le bâtiment où fut hébergé Antonin Artaud à Ivry à sa sortie de l'asile psychiatrique de Rodez. Les maigres indices que j'avais recueillis ne m'avaient pas permis de l'identifier. Sans doute n'était-il plus reconnaissable, comme Artaud le Mômo après une séance d'électrochocs. Ces échecs domestiques, ces foyers éteints jusque dans les mémoires me laissent dans la frustration. Alors quand j'apprends que Samuel Beckett a séjourné à l'hôtel du Beaujolais à Vichy, je veux voir ce qu'il en reste. De l’hôtel, pas de Samuel. Lui je le vois souvent, en pensées et en mots. Et si avec un père OPJ je n'arrive pas à mener à bien cette enquête, je n'aurai plus qu'à me clochardiser, au sens rimbaldien du terme, tel Molloy au bord de son chemin de grande communication déclassé.
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lundi 6 décembre 2021
jeudi 25 novembre 2021
Après une enfance douloureuse entre une mère névrosée
et un père bon vivant détesté par sa femme, après des études
brillantes, Beckett découvre Paris à 22 ans lorsqu’il devient lecteur d’anglais
en 1928 à l’École Normale Supérieure. S’il retourne ensuite enseigner
comme lecteur de français au Trinity College de Dublin, c’est pour en
démissionner en 1932. Il veut fuir le milieu familial et le monde en
vase-clos de son coin d’Irlande. Il se déroute d’un avenir tout tracé et
rejoint l’Allemagne puis la France.
En 1934, il est à Londres et en 1936 à nouveau à
Paris, et pour longtemps. À l’instar de James Joyce, des américains de la
"Lost generation" et des européens qui affluent dans la capitale dans
les années 1920, il pense que c’est là qu’il peut créer librement.
Sauf que Beckett adopte non seulement une ville nouvelle, mais aussi une
langue nouvelle. C'est un nouveau départ, it's a brand new start...
Il s’installe d’abord à l’Hôtel Libéria, rue de la Grande Chaumière à Montparnasse.
Le 7 janvier 1938, il est agressé par un inconnu, sans mobile
apparent. Son cœur, épargné par le couteau, ne l’est pas par une
jeune femme qui lui rend visite à l’hôpital Broussais, Suzanne
Dumesnil. Ils ne se quittèrent plus et se marièrent, beaucoup plus tard. Au printemps suivant, il emménage dans peu de mètres carrés au septième étage, 6 rue des Favorites.
© terresdecrivains.com
mercredi 24 novembre 2021
La déclaration de guerre le surprend en Irlande, mais il
décide aussitôt de retrouver Paris. L’avancée de l’armée
allemande le repousse avec les Joyce jusqu’à Vichy. Ils séjournent à
l’hôtel du Beaujolais, jusqu’à ce que celui-ci soit réquisitionné pour loger le
gouvernement de Pétain. Les Joyce sont alors hébergés à
Saint-Gérand-le-Puy par une amie parisienne, Madame Jolas. Beckett,
grâce à l’aide de Valéry Larbaud, poursuit sa route, dormant où il
peut. Il est à Toulouse, Cahors et Arcachon, où il s’établit quelques
semaines dans la villa Saint-Georges.
En octobre 1940, il regagne Paris. Il commence à traduire des
documents que les résistants transmettent à Londres. Il rejoint le
réseau de résistance "Gloria SMH" dirigé par la fille de Picabia.
À l’été 1942, il échappe à la Gestapo. C'est Vichy à nouveau,
puis Avignon et finalement Roussillon, un village perché, un havre de paix
jusqu’au début de 1945. Il travaille dans les
champs et commence la rédaction de Watt, qui sera publié dans la revue anglophone Merlin en 1952 et par Olympia Press en 1953. Un peu d’argent lui arrive régulièrement de sa famille en Irlande.
Après avoir servi dans la Croix Rouge irlandaise à l’hôpital de
Saint-Lô en Normandie, il est de retour dans la capitale en 1946, rue des Favorites. Alors, et jusqu’à la mort de sa mère en 1950, l’écriture occupe l'homme. Molloy et Malone meurt paraissent en 1951, En attendant Godot est joué en 1952. À Ussy-sur-Marne, il
retrouve un air de sa campagne irlandaise, avec
ses travaux des champs et ses longues marches.
© terresdecrivains.com
lundi 28 octobre 2019
C'est le pouvoir, le génie du romancier, celui de disparaître, de faire oublier qu'il est à l'origine de cet éventail de feuilles blanches, cousues de fil blanc (ou vivant à la colle) et couvertes de pattes de mouches. Il est d'abord cet ouvrier têtu qui amorce le mécanisme (comme le font les Dupond et Dupont pour que Tintin ait de l'air dans son scaphandre), qui pompe avec son bras gauche afin d'alimenter son bras droit en courant électrique (ou l'inverse pour les gauchers) et ainsi contracter les muscles de la main (celle qui écrit). Aïe, je me suis enlisé dans cette métaphore, tant pis c'est fait. Bref, cette crispation des doigts, cette crise digitale est un travail (obstétrique), un accouchement, et c'est ainsi que voient le jour ces bataillons de formes noires qu'on nomme lettres, agencées en un certain ordre, prêtes à en découdre. Elles racontent une bataille, créent l'illusion sur l'écran noir de nos nuits blanches (copyright Claude N.), dans l'écrin vide de notre hérédité éruptive, refroidie pour l'éternité. Disparaître en faisant naître un autre, n'être qu'un observateur, c'est le pari risqué de l'écrivain. Ainsi, Samuel Beckett peut utiliser le « je » et à aucun moment on n'imagine qu'il parle de lui. À l'inverse, d'autres utilisent « il », mais on n'a aucun doute sur le fait qu'il (ou elle) parle de lui (d'elle). Voilà, ça m'a fait une occasion de parler de lui.
jeudi 18 juillet 2019
Viens d'écouter ce pauvre petit crétin pour qui je me prenais il y a trente ans, difficile de croire que j'aie jamais été con à ce point-là. Ça au moins c'est fini, Dieu merci. (Pause.) Les yeux qu'elle avait ! (Rêvasse, se rend compte qu'il est en train d'enregistrer le silence, débranche l'appareil, rêvasse. Finalement.) Tout était là..., tout le -- -- (Se rend compte que l'appareil n'est pas branché, le rebranche.) Tout était là, toute cette vieille charogne de planète, toute la lumière et l'obscurité et la famine et la bombance des... (il hésite)... des siècles !
La dernière bande - 1959
jeudi 5 avril 2018
FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (93)
samedi 1 juillet 2017
vendredi 30 octobre 2015
vendredi 18 juillet 2014
samuel beckett emploie le je et il ne parle pas de lui, mais c'est beckett... j'essaie de ne pas utiliser les majuscules au motif qu'après tout, tout se vaut... mais ce n'est pas vrai, toute chose n'équivaut pas à toute autre... goldman n'équivaut pas à beckett... et puis ces points de suspension que j'utilise comme un artifice littéraire, à la manière de céline que je n'aime pas, mais que je respecte... allez y comprendre quelque chose, alors que des détails aussi insignifiants me posent un problème d'identité... alors je repense au point-virgule utilisé en rafale et sans sommation... je pense à melville et à ses I would prefer not to... ça y est, j'ai mis une majuscule... oui, mais c'est le je de melville...
jeudi 13 mars 2014
il me semble que oui. Puis je vois bien que non. Je fais de mon mieux, je suis en train d'échouer, encore une fois. Ça ne me fait rien d'échouer, j'aime bien ça, seulement je voudrais me taire. Pas comme je viens de le faire, pour mieux écouter. Mais paisiblement, en vainqueur, sans arrière-pensée. Ce serait la bonne vie, la vie enfin. Ma bouche au repos se remplirait de salive, ma bouche qui n'en a jamais assez, je la laisserais couler avec délices, bavant de vie, mon pensum terminé, en silence. J'ai parlé, j'ai dû parler, de leçon, c'est pensum qu'il fallait dire, j'ai confondu pensum et leçon. Oui, j'ai un pensum à faire, avant d'être libre, libre de ma bave, libre de me taire, de ne plus écouter, et je ne sais plus
lequel. Voilà
enfin qui donne une idée de ma situation. On m'a donné un pensum, à ma
naissance peut-être, pour me punir d'être né peut-être, ou sans raison
spéciale, parce qu'on ne m'aime pas, et j'ai oublié en quoi il consiste.
Mais me l'a-t-on jamais spécifié ? Presse, mon ami, presse bien fort,
n'abuse pas, mais presse encore un peu, il s'agit de toi peut-être.
Quelquefois je me dis toi, si c'est moi qui parle. Tu touches peut-être
au but. Après dix mille mots ? Enfin, à un but, après il y en aura
d'autres. Me parler, je ne me suis pas assez parlé, pas assez écouté,
pas assez répondu, pas assez consolé, j'ai parlé pour mon maître, j'ai
dressé l'oreille pour les paroles de mon maître, jamais venues. C'est
bien,
mardi 6 août 2013
RIEN À BECQUETER dans Samuel Beckett ? Vous plaisantez ! Ouvrez n'importe quel roman ou nouvelle du plus francophile des Irlandais et voyez ces belles strophes bien denses, bien équarries, sans vide entre les lignes. Mise à part la couleur, ça ressemble à un jambon de montagne, ferme, plein de promesses, sec et tendre à la fois. Un régal pour les yeux et les narines. Ses fibres forment le rideau d'une alcôve, le baldaquin des rêves oubliés, comme une jouissance QUI NE PEUT PAS être démentie. Hélas, le temps de l'envisager et un enzyme vous a devancé. Dans l'intervalle, vos yeux se sont décillés et c'est un os qui gît au sol, dénudé, clinique, blanc, réduit à la matière sèche. APPEL À DÉTRACTEURS ! Dans l'impossibilité de faire l'éloge d'un tel auteur, le Fermoir se réserve le droit de démentir ses détracteurs. Merci d'envoyer vos plaintes au journal qui verra quoi.
dimanche 7 octobre 2012
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