dimanche 17 mars 2019

LA VUE CONJUGUE MAL  (8)

Apprendre une nouvelle dans une voiture est l'un des "plaisirs minuscules" d'un livre de Philippe Delerm. « Tout à coup, le paysage est découpé, arrêté sur image. Ça se passe en une fraction de seconde. On sait que la photo est prise. Cette côte à trois voies bien anonyme et grise qui remonte vers la vallée de la Seine... » STOP ! L'hypothèse qu'une route puisse monter vers une vallée, a fortiori celle de la Seine, jette le trouble dans la zone de ma cervelle dédiée à la vision panoramique et stéréoscopique. Bien sûr, la face cartésienne de mon cortex me confirme qu'il existe bien des vallées hautes, que c'est ainsi que l'on désigne les premières dizaines de kilomètres des rivières qui naissent en altitude. Des routes peuvent y mener et elles montent, sans l'ombre d'un doute. OK, mais tout ça reste une vue de l'esprit car dans le mien, le mot vallée est synonyme de point bas, de lieu ample et gravitaire. Au dessus de mon poste de travail est accroché un tableau de mon père qui représente un torrent dans un paysage de montagne. Cela m'a pris des années pour le découvrir, pierre après pierre, pour l'admirer, versant noir après cime blanche, pour l'aimer en pleine lumière. Et si aujourd'hui il est un de mes préférés, c'est certainement parce que cette vue d'une vallée haute reste un mystère à mes yeux.

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