vendredi 15 février 2019

LA VIE CONJUGUE MAL (7)

Avec le temps, le visage de mon père s'est fané doucement, il s'est lentement flétri (tout le contraire de Dorian Gray), jusqu'à son dernier jour, sa dernière nuit. C'était le 9ème jour du 10ème mois, celui de la naissance de John Lennon. Depuis, son talent de peintre a éclaté au grand jour, le talent de mon père, pas celui de John Lennon. Pas tout de suite, cela a mis des mois, des années, mais alors qu'un certain jour son fan-club était encore sous le charme, le lendemain il était sous le choc. Un choc violent, imprévisible. Que s'était-il passé ? Une prise d'inconscience. Que restait-il ? Une coquille d’œuf brisée. Le fan-club dont je parle se réduisait à une seule personne, moi. Ma mère n'avait pas survécu longtemps et l'état de santé de mon frère avait commencé de se dégrader. Personne ne put à ce moment-là sonder l'opinion de cet échantillon, ça n'aurait eu aucun sens. Rien n'a jamais été porté à la connaissance d'aucun public, ni grand, ni réduit, ni le public invisible, celui qui fuit l'imagerie de masse et pour qui l'opinion du plus grand nombre est un miroir déformant, grossissant, de la fatuité de l'humanité. Quant à l'admiration du plus grand nombre pour John Lennon, son indifférence, ou son hostilité, elle ne dénature rien, c'est une fenêtre ouverte sur le port de Hamburg ou le fleuve Mersey, across the universe.

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