vendredi 2 septembre 2011

Murphy dans la M.M.M.M.


Ça y est. Murphy est dans la Maison Madeleine de Miséricorde Mentale. Il y occupe un poste d'infirmier, sous la responsabilité d'un infirmier sous-chef, Monsieur Timothy « Bom » Clinch, lui-même sous l'autorité d'un infirmier-chef, Monsieur Thomas « Bim » Clinch.




"Il semblait à Murphy que de tous ses amis parmi les malades, nul ne valait sa « fiche », Monsieur Endon. Il semblait à Murphy qu'il était lié avec Monsieur Endon, non seulement par la fiche, mais par un amour de la plus pure espèce, exempt de ces éjaculations précoces qui dans le grand monde passaient pour actes, pour pensées et pour paroles. Ils restaient l'un pour l'autre, même aux moments de la plus grande fusion spirituelle, Monsieur Murphy et Monsieur Endon.




On appelait « fiche » un malade « sur parchemin ». On mettait « sur parchemin » tout malade dont on avait occasion de craindre un faible pour le suicide. L'occasion pouvait être fournie par des menaces proférées par le malade ou simplement par sa façon générale de se comporter. Alors l'infirmier-chef faisait une fiche à son nom, où était spécifiée, dans tous les cas où une préférence avait été exprimée, la forme de suicide contemplée. Ainsi : « Monsieur Higgins. Ouverture de ventre. Ou tout autre moyen approprié ». « Monsieur O'Connor. Venin. Ou tout autre moyen approprié ». « Tout autre moyen approprié » couvrait tous les risques. Puis l'infirmier-chef endossait la fiche et la confiait à l'infirmier sous-chef, qui l'endossait et la confiait à un infirmier, qui l'endossait et était responsable, à partir de ce moment-là, de la mort naturelle du malade en question.
Cette responsabilité comportait des devoirs spéciaux, dont sans doute le principal était le contrôle du suspect à des intervalles réguliers de vingt minutes au plus. Car selon l'expérience de la M.M.M.M., il fallait être d'une adresse, d'une résolution et d'une force inouïes pour faire le coup en moins de temps.
Monsieur Endon était sur parchemin et Murphy avait sa fiche : « Monsieur Endon. Apnée. Ou tout autre moyen approprié ».
Le suicide par apnée a souvent été tenté, notamment par les condamnés à mort. En vain. C'est une impossibilité physiologique. On s'évanouit, puis on se remet à respirer malgré soi. Mais la Maison de Miséricorde n'était pas disposée à courir des risques inutiles. Monsieur Endon avait bien affirmé que pour lui ce serait l'apnée ou rien. Sa voix intérieure s'opposait à toute autre méthode."...

Achevé d'imprimer le 22 juin 1965 sur les presses de Joseph Floch à Mayenne

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