vendredi 7 février 2020

LA VIE CONJUGUE MAL  (10)

Alors je vais tout vous expliquer, mon commandant. Madame Lecat a eu un moment d'égarement. Je lui avais pourtant parlé d'une façon douce et attentionnée, car je sais le choc qu'a été pour elle le vol de ses bijoux, mais elle a perdu son self control. Sans attendre la fin de ma question, qui n'était pas longue, elle s'est mise à vociférer, affirmant qu'avec ma politesse de vieux garçon et mes tics de gratte-papier de l'administration Balladur, je ne risquais pas de compatir à son infortune, encore moins de tout mettre en œuvre pour la réparer. Elle a laissé entendre - heureusement sans témoin - que je mettais sa parole en doute et que ma conviction profonde était qu'elle avait sans doute imprudemment rangé la clé dans le tiroir devant un domestique de l'ordinaire, un livreur mal intentionné, ou devant un valet militant de l'anti-bourgeoisie. Évidemment, ce n'est pas l'envie de la démentir qui me manquait, mais j'ai contenu mon indignation, vous me connaissez, et j'ai laissé passer l'orage sans dire un mot. Bien que le salon de Madame Lecat soit vaste comme le Quai des Orfèvres, je ne savais plus ou me mettre, ni comment masquer ma qualité d'enquêteur et faire apparaître celle d'homme du monde, que je n'ai pas encore acquise, mais que je peux feindre. Je vous demande de bien vouloir examiner favorablement ma demande de mutation dans un autre service, mon commandant. Merci.

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