dimanche 13 mai 2018

LA VIE CONJUGUE MAL (5)

Dans la constellation des chromosomes humains, j'ai vite été attiré par les plus brillants. La raison pure voulut que j'assumasse en priorité l'héritage de mes ascendants, dont les caractères dits masculins, car malgré mon penchant précoce pour un Mick Jagger lip- putassier ou un David Bowie diaphane, je voulais garder une apparence sociale neutre. Je laissai donc passer toutes les occasions de me surprendre moi-même, n'osant pas me mouiller, nager à contre-courant du mainstream bourgeois, conformiste, timoré de cette époque faux-cul pompidol-giscardiaque. De la place, il y en avait, mais je n'ai rien tenté. Dommage, car des lustres après, à l'âge où la raison se fait bouffer le foie par un cœur en rupture d'esclavage, tel un Prométhée de carnaval de province, je fis le constat douloureux du vide qui se creuse brutalement, de l'absurde qui triomphe. Je n'ai eu que ce que je méritais, la rançon de la peur et de l'immobilisme. Les brins dorés de l'ADN paternel et grand-paternel étaient si fins que le tamis grossier de mon œil de mouche ne les avait ni vus passer, ni retenus. Restaient la plume rapace de Samuel Beckett, l'onde vibratoire de Martin L.King, la parole cristalline de René Daumal. Et soudain l'autre jour, c'est le cœur brisé de ma mère qui a scandé quatre vers inédits de MÉMORABLES* dans ma poitrine.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire