samedi 24 février 2018

LA VIE CONJUGUE MAL (3)

Cher M.Donnot,
Si j'ai pu retrouver, depuis toutes ces années, la sensation si douce de l'absence de tremblement intérieur et même parfois le parfum de l'espoir, c'est à vous que je le dois. Je ne sais pas si le serment d'Hippocrate interdit au médecin de se pencher sur sa propre souffrance pour se consacrer exclusivement à celle de ses patients, mais c'est ce que j'ai ressenti à votre contact. À votre rituelle et joviale question « Comment va l'homme? », lancée au moment où je prenais place en face de vous, j'ai souvent eu envie de répondre « Et vous? ». Si je ne l'ai pas fait, c'est par respect et aussi pour conserver cette distance nécessaire, indispensable. J'ai appris à vous dire « Merci beaucoup », sur le pas de la porte, au moment de vous quitter, mais aujourd'hui je veux vous dire autre chose, en évitant toute emphase ou grandiloquence, que nous fuyions comme la peste, car nous nous attachions à cultiver la pleine confiance. Si le repos auquel vous goûtez à présent est comparable au centième, au millième du soulagement que vous avez procuré à chacun de vos patients, alors la douleur que je ressens en vous écrivant cette lettre en sera un peu amoindrie. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. J'espère que ce message posthume vous parviendra, une fois n'est pas coutume, par une voie immatérielle.
C.Parisse

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire