lundi 30 novembre 2015

AUTOUR DE LA MAISON  (4)

Les escaliers de bois craquaient toujours autant. Combien de fois les avait-elle, et jamais les mains vides, montés et descendus ? Le long des marches, les tapisseries, toujours les mêmes, bien conservées, supportaient les mêmes clous depuis des décennies, où tenaient accrochées les mêmes décorations, un titi parisien venu de l'inconnu, des fleurs bleues en plastique, made in Pétrochimie, un tout petit tableau, peint sur une plaque en bois, un paysage de neige avec un ciel très sombre, il allait reneiger, encore, neiger, encore, on sentait la présence de gros flocons tout près, on sentait le poids du silence, on attendait avec ardeur venir la blancheur qui vous éblouit et qui vous rend sourd, ce paysage s'était ancré dans mes entrailles. Bien plus que cette photo, juste à côté, de la maison prise d'un avion. Il n'y avait qu'un seul voisin, autour d'elle, à l'époque, depuis s'étaient dressées d'autres habitations, puis au dessus des escaliers, à gauche, une porte large ouverte. Celle de la cuisine. J'avais peur d'entrer. Sur la table, une bouteille. Et un verre. Les chaises éparpillées. Les volets à moitié tirés. Des casseroles laissées en plan. Un torchon abandonaillé. Je finis par baisser les yeux. Une tache sur le lino. Large et sombre. Presque noire. Du sang, sans doute. Elle était tombée là. Des traces de boue séchée à peine un peu plus loin. Il devait pleuvoir ce jour là. Les pompiers, avec leurs bottes. Pour ne pas y penser, j'allai chercher  la serpillère, la pelle et le balai et je me mis à nettoyer. Et plus je nettoyais, plus je voyais combien ma mère avait changé. L'évier n'était pas propre, les casseroles mal lavées, de la poussière grasse sur la cuisinière, des taches sur la toile cirée. Non ce n'était plus elle.
( à suivre )

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire