lundi 23 mars 2015

FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (67)

La musique est ma sœur, nous sommes sortis d'un même ventre, d'un même air, d'une même mer. Et si elle est ma sœur, je suis son frère. Pourquoi cette fraternité me serait-elle inaccessible ? Au prétexte que je suis un chien parlant ? « Hélas », comme soupirait dans Le Samouraï le commissaire (François Périer) devant Jef Costello (Alain Delon) qui lui demande après son interrogatoire s'il peut s'en aller, planté devant le bureau, les mains dans les poches de son imper et le feutre sur la tête. Oui, à mon corps défendant, à mon esprit divaguant. Humain par le sang, chien par le sol, et néanmoins frère de la musique, voilà ce que j'indiquerais sur ma plaque anthropo-canimétrique si l'on me catapultait aux confins de l'univers à la rencontre de formes alternatives d'évolution. Mais jamais l'agence spatiale européenne ni son homologue chinoise n'accepteraient de relayer un message aussi sibyllin. L'humanité aime se présenter comme maîtresse de ce qu'elle ne maîtrise pas et propriétaire de ce qu'elle ne possède pas. Je resterai donc couché dans mon panier, assis sur mes pattes arrières ou debout face à l'indéfini, suivant l'heure de la jour- née et les fluctuations de mon humeur de chien. J'attendrai que l'improbable se produise tout en sachant qu'il ne se produira pas. Et  c'est ainsi qu' Alexandre Vialatte a été grand.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire