mardi 12 février 2013

LE RASÉ DE LOIN VOUS SALUE BIEN (1)

Pierrot le Fou, ou Jean-Luc l'Illuminé ? Le film mythique du petit maître de la nouvelle vague apparaît aujourd'hui comme un manuscrit plein d'enluminures d'un autre temps, pourtant pas si lointain. Les aventures de Ferdinand dans le sud de la France plongent le spectateur du vingt-et-unième siècle dans un monde où les dialogues ne renvoient à aucune réalité, ce qui est une bonne chose, mais à aucun rêve non plus, ce qui est plus gênant. On s'attend à être emporté dans un maelström "à la Fellini" et on se retrouve immobilisé à mi-chemin entre manifeste anarchiste et comédie de boulevard. J’exagère un peu, mais la déception est grande, amplifiée par cet élan du cœur qui anime tout cinéphile godardien. Il n'en reste pas moins que le début et la fin sont magnifiques. Le générique qui précède la première image filmée est une trouvaille visuelle qui fait de JLG le plus grand artiste pop du cinéma français, le temps d'une minute seulement, mais une minute de génie. Sur l'écran noir s’allument les  A , les B, les C et les D rouges, puis les  E  bleus avant le bouquet final des  M , des N, des O, rouges à nouveau, équarris sur le rouleau de la pellicule argentique. Et puis il y a le travelling final sur la ligne d'horizon et la mer, trente secondes où la caméra glisse vers la droite pour se figer sur le soleil en coin. Rien à ajouter, pas même un vers de Rimbaud, car le génie du petit suisse réside dans le choc de l'image et non dans le pavé de la citation.
( suite et fin demain )

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