samedi 13 octobre 2012

FRAGMENTS D'UN MANIFESTE CANIN (3)

J'ai sucé la vie, plus que je ne l'ai croquée. Pourquoi ? Sans doute dans le but d'aspirer cette fameuse moelle que maint chien considère comme la nourriture ultime, celle qui calme la faim originelle, la faim du nouveau-né. En réalité, à force de passer et repasser la langue dans les moindres interstices, je n'ai fait que détremper inexorablement l'os nour- ricier et au moment de le croquer, quand l'envie m'en vint enfin, il s'est délité. Tel un petit mammouth sorti du permafrost, ou un bateau de pêche romain exhumé de son linceul de sédiments marins, il s'est liquéfié, ivre de léchouilles et de salive reçue pendant des années - de chien, donc des décennies pour vous. Maintenant, en attendant que le Grand Dogue Noir me retire le hochet de la vie, je coule des jours tranquilles, mais pas à Clichy.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire