mercredi 29 août 2012

LA FIN

"Ce qu'il appelait sa cabane était une sorte de baraque en bois. On avait enlevé la porte, pour faire du feu, ou dans un autre but. La fenêtre n'avait plus de vitre. Le toit s'était effondré à plusieurs endroits. L'intérieur était partagé, par les restes d'une cloison, en deux parties inégales. S'il y avait eu des meubles, il n'y en avait plus. On s'était livré aux actes les plus vils, par terre et contre les murs. Des excréments jonchaient le sol, d'homme, de vache, de chien, ainsi que des préservatifs et des vomissures. Dans une bouse, on avait tracé un cœur percé d'une flèche. Je remarquai des vestiges de bouquets abandonnés. Goulûment cueillis, charriés pendant de longues heures, on avait fini par les jeter, lourds, ou fanés déjà. C'était là l'habitation dont on m'avait offert la clef. Tout autour, la scène était celle familière de grandeur et de désolation. C'était quand même une demeure. Je prenais mon repos sur une couche de fougères que je cueillis moi-même avec peine. Un jour je ne pus me lever. La vache me sauva. Aiguillonnée par le brouillard glacial, elle venait se mettre à l'abri. Ce n'était sans doute pas la première fois. Elle ne devait pas me voir. J'essayai de la têter, sans grand succès. Son pis était couvert de fiente. J'ôtai mon chapeau et me mis à la traire là-dedans, en faisant appel à mes dernières forces. Le lait se répandait par terre, mais je me dis, Cela ne fait rien, c'est gratuit. Elle me traîna à travers le plancher, ne s'arrêtant de temps en temps que pour me décocher un coup de sabot. Je ne savais pas que nos vaches pouvaient être méchantes elles aussi. On avait dû récemment la traire. M'agrippant d'une main au pis, de l'autre je maintenais le chapeau en place. Mais elle finit par avoir le dessus. Car elle me traîna à travers le seuil et jusque dans les fougères géantes et ruisselantes, où force me fut de lâcher prise. En buvant le lait je me reprochai ce que je venais de faire. Je ne pouvais plus compter sur la vache et elle mettrait les autres au courant. Plus maître de moi j'aurais pu en faire une amie. Elle serait venue tous les jours, suivie peut-être par d'autres vaches. J'aurais appris à faire du beurre, du fromage. Mais je me dis, Non, tout est pour le mieux"

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