vendredi 29 juillet 2011

Souviens-toi du jour où tu crevas la toile et fus pris vivant, fixé sur place dans le vacarme de vacarmes des roues de roues tournant sans tourner, toi dedans, happé toujours par le même moment immobile, répété, répété, et le temps ne faisait qu'un tour, tout tournait en trois sens innombrables, le temps se bouclait à rebours, - et les yeux de chair ne voyaient qu'un rêve, il n'existait que le silence dévorant, les mots étaient des peaux séchées, et le bruit, le oui, le bruit, le non, le hurlement visible et noir de la machine te niait, - le cri silencieux « je suis » que l'os entend, dont la pierre meurt, dont croit mourir ce qui ne fut jamais, - et tu ne renaissais à chaque instant que pour être nié par le grand cercle sans bornes, tout pur, tout centre, pur sauf toi.

Et souviens-toi des jours qui suivirent, quand tu marchais comme un cadavre ensorcelé, avec la certitude d'être mangé par l'infini, d'être annulé par le seul existant Absurde.

Et surtout souviens-toi du jour où tu voulus tout jeter, n'importe comment, - mais un gardien veillait dans ta nuit, il veillait quand tu rêvais, il te fit toucher ta chair, il te fit souvenir des tiens, il te fit ramasser tes loques, - souviens-toi de ton gardien.

Souviens-toi du beau mirage des concepts, et des mots émouvants, palais de miroirs bâti dans une cave ; et souviens-toi de l'homme qui vint, qui cassa tout, qui te prit de sa rude main, te tira de tes rêves, et te fit asseoir dans les épines du plein jour ; et souviens-toi que tu ne sais te souvenir.

Souviens-toi que tout se paie, souviens-toi de ton bonheur, mais quand fut écrasé ton cœur, il était trop tard pour payer d'avance.

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