Lumière,
là au bord de la clairière. Comme la fois avant, et les autres fois
parfois au vent d'avant, elle revient voir, luit sa vie et puis faiblit et
s'évanouit. Est-ce la même qui renaît ? Sont-elles plusieures à éclairer
ma croissance et celle de mes frères de sève ? À guider les petites
pousses vers le ciel, à bercer la plainte de mes parents ?
Ces rayons me font voir l'écorce de ma mère qui flétrit, les racines de
mon père qui grincent quand l'air absent nous étouffe. J'aimerais
être avec eux autrement que par le bruissement de mon feuillage. Je ne suis pas le seul être de bois et de feuilles retenu de force. Qu’un
frère d'arbre m'entende et parle aux résineux, aux tahires, aux rejets.
Les ions nous inondent de leurs bienfaits, mais notre verbe vole au vent. Nous entendons le réel-terre dans sa terre-réalité et aussi le haut-ciel
qui couvre nos chefs. Nous captons ces vibrations de toutes nos fibres,
elles incrustent notre cœur et ne se libèrent que dans la chute. Hô là,
qu'une tête de chêne se dresse nue et parle au nom de nous ! Après ça, nos
parents se fracasseront heureux et pourriront en paix auprès de leurs
ancêtres. Qui mettra en musique cette symphonie végétale ? Qui la gravera
dans l'aubier de nos vies ? Tant de lumières encore
s'éveilleront et s'éteindront, toujours pareilles et partoutes
différentes. Et
toujours une fois sera jour. Jour sera le nom que nous lui donnerons. Et
nous saurons dans notre cœur que
la fuite de Jour nuit à nous forêt, et nous appellerons ce départ
Nuit. Notre parole qui vole d'arbre à arbre sera notre trésor. Ne jamais
l'enterrer, il est souffle, nuage, grain. Alors je pourrai tomber
au sol, fier de m'y fendre, de m'y fondre, d'être à mon tour sol. Je
nourrirai la terre à profusion, jusqu'aux fil-fils de mes filles,
rejetons persistants à feuilles caduques, les essences se mêleront.
Est-ce l'ionisation de l'air qui me grise, ne
suis-je qu'un hêtre tendre de la feuille, un doux rêveur de houx ? Peut-être,
mais vous
m'entendez car je vous parle. Je vous dis qu'à la lumière d'un jour au
gui, j'ai tendu mes basses branches vers la roche noire, dure comme la
terre de glace. J'ai usé du vent et brusqué des bourrasques pour
caresser sa sueurface. Le bout de mes bras a frôlé sa carapace, mais mon
bois est trop tendre. Il ne peut parler à cette paroi, il glisse
sans laisser de trace. Comme un fruit qui tombe dans la lumière verte,
chaleur verte et s'écrase sur le sol. Ce roc immobile, ce miroir
insensible ne veut rien de moi. Cimes du souvenir, ce jour-lumière
étrillé par la nuit en plein jour, j’ouïs la terre trembler, moi jeune
pouce j'étais si souple, ça m'amusait. Une force grandiose a fendu
le front du rocher, il a chuté en grondant. Des frères autour de moi
ont été blessés. Un mien frère d'arbre est mort sur pied. C'est inscrit
dans un cercle de mon âge,
si j'ai bien compris. Et j'ai grandi avec cette
marque qui assombrit mon feuillage certains swars de wag halâm.
vendredi 2 avril 2021
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