vendredi 2 avril 2021

Lumière, là au bord de la clairière. Comme la fois avant, et les autres fois parfois au vent d'avant, elle revient voir, luit sa vie et puis faiblit et s'évanouit. Est-ce la même qui renaît ? Sont-elles plusieures à éclairer ma croissance et celle de mes frères de sève ? À guider les petites pousses vers le ciel, à bercer la plainte de mes parents ? Ces rayons me font voir l'écorce de ma mère qui flétrit, les racines de mon père qui grincent quand l'air absent nous étouffe. J'aimerais être avec eux autrement que par le bruissement de mon feuillage. Je ne suis pas le seul être de bois et de feuilles retenu de force. Qu’un frère d'arbre m'entende et parle aux résineux, aux tahires, aux rejets. Les ions nous inondent de leurs bienfaits, mais notre verbe vole au vent. Nous entendons le réel-terre dans sa terre-réalité et aussi le haut-ciel qui couvre nos chefs. Nous captons ces vibrations de toutes nos fibres, elles incrustent notre cœur et ne se libèrent que dans la chute. Hô là, qu'une tête de chêne se dresse nue et parle au nom de nous ! Après ça, nos parents se fracasseront heureux et pourriront en paix auprès de leurs ancêtres. Qui mettra en musique cette symphonie végétale ? Qui la gravera dans l'aubier de nos vies ? Tant de lumières encore s'éveilleront et s'éteindront, toujours pareilles et partoutes différentes. Et toujours une fois sera jour. Jour sera le nom que nous lui donnerons. Et nous saurons dans notre cœur que la fuite de Jour nuit à nous forêt, et nous appellerons ce départ Nuit. Notre parole qui vole d'arbre à arbre sera notre trésor. Ne jamais l'enterrer, il est souffle, nuage, grain. Alors je pourrai tomber au sol, fier de m'y fendre, de m'y fondre, d'être à mon tour sol. Je nourrirai la terre à profusion, jusqu'aux fil-fils de mes filles, rejetons persistants à feuilles caduques, les essences se mêleront. Est-ce l'ionisation de l'air qui me grise, ne suis-je qu'un hêtre tendre de la feuille, un doux rêveur de houx ? Peut-être, mais vous m'entendez car je vous parle. Je vous dis qu'à la lumière d'un jour au gui, j'ai tendu mes basses branches vers la roche noire, dure comme la terre de glace. J'ai usé du vent et brusqué des bourrasques pour caresser sa sueurface. Le bout de mes bras a frôlé sa carapace, mais mon bois est trop tendre. Il ne peut parler à cette paroi, il glisse sans laisser de trace. Comme un fruit qui tombe dans la lumière verte, chaleur verte et s'écrase sur le sol. Ce roc immobile, ce miroir insensible ne veut rien de moi. Cimes du souvenir, ce jour-lumière étrillé par la nuit en plein jour, j’ouïs la terre trembler, moi jeune pouce j'étais si souple, ça m'amusait. Une force grandiose a fendu le front du rocher, il a chuté en grondant. Des frères autour de moi ont été blessés. Un mien frère d'arbre est mort sur pied. C'est inscrit dans un cercle de mon âge, si j'ai bien compris. Et j'ai grandi avec cette marque qui assombrit mon feuillage certains swars de wag halâm.

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