Grandmother
My grandmother used to tell me : « ne t’inquiète pas, tu es comme ça,
et si tu te sens bien, les autres ne t’atteindront pas ». J’ai grandi comme un garçon. Je faisais beaucoup de sport,
surtout du foot. Un jour après l’entraînement, j’avais quinze ans et demi,
l’entraîneur nous a dit : « allez, tous à la douche, séance tenante,
et tous à poil ! ». Et là, les autres m’ont regardé comme s’ils me voyaient pour
la première fois.
« C’est
pas possible, you are a girl ! »
Ils ne comprenaient plus rien. Le garçon qu’ils connaissaient, leur pote de
jeu, était une fille. L’entraîneur m’a viré. Les copains m’ont largué. J’ai pleuré
toute la nuit. Le lendemain je suis allé voir ma grand-mère. Ce qu’elle me
disait toujours, lorsque j’étais petit, m’avait aidé, jusqu’à présent, à
résister. Mais cette fois-ci, j’étais atteinte au plus profond. Tout en moi s’écroulait. Et
pour la première fois, je ne savais plus qui j’étais.
Ma grand-mère était malade. Elle m’a regardé du fond de
l’oreiller et je n’ai rien eu à dire. Elle avait compris. Elle a pris ma main, la sienne était froide, j’ai senti
couler mes larmes, elle m’a fait signe de m’approcher, et je l’ai
entendue : « don’t worry, tu es belle ». Est-ce vraiment ce qu’elle m’a dit ? Je ne le saurai
jamais. Deux jours plus tard, je la perdais. Mais je sais que tout a changé,
depuis ce moment là.
Aujourd’hui, je suis vieille. À mon tour. Et je peux dire
que j’ai vécu en femme heureuse. Sans ma grand-mère, je serais sans doute
devenue comme presque tous ceux qui, à la naissance, ne sont ni fille ni
garçon : un ange déchu. Une plaie béante.
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