mercredi 30 novembre 2016

JOURS INTRANQUILLES À AUVERS (12)

Lettre à Wil  (12 juin 1890)

Ma chère sœur,
J'ajoute quelques mots pour toi à la lettre de la mère.
Dimanche dernier j'ai eu la visite de Théo et de sa famille, je trouve fort agréable d'être moins éloigné d'eux. De ces jours-ci je travaille beaucoup et vite ; ainsi faisant je cherche à exprimer le passage désespérément rapide des choses dans la vie moderne. (...)
J'ai fait le portrait de M.Gachet avec une expression de mélancolie qui souvent à ceux qui regarderaient la toile, pourrait paraître une grimace. Et pourtant c'est ça qu'il faudrait peindre parce qu'alors on peut se rendre compte combien, en comparaison des portraits calmes anciens, il y a de l'expression dans nos têtes actuelles et de la passion, et comme de l'attente et comme un cri. Triste mais doux, mais clair et intelligent, ainsi faudrait-il en faire beaucoup de portraits.
Cela ferait encore un certain effet à des moments, sur les gens. Il y a des têtes modernes que l'on regardera encore longtemps, qu'on regrettera peut-être cent ans après. Si j'avais dix ans de moins avec ce que je sais maintenant, comme j'aurais de l'ambition pour travailler à cela. Dans les conditions données je ne peux pas grand chose, je ne fréquente ni ne saurais fréquenter assez la sorte de gens que je voudrais influencer. J'espère bien faire ton portrait à toi un jour.
Je suis bien curieux d'avoir une nouvelle lettre de toi, à bientôt j'espère, en pensée je t'embrasse bien.
                                                                                                                      t. à t.
                                                                                                                  Vincent.

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