mercredi 28 septembre 2016

JOURS INTRANQUILLES À AUVERS (8)

Lettre à Wil  (5 juin 1890)

Ma chère sœur,
Depuis longtemps j'aurais dû répondre à tes deux lettres que j'ai encore reçues à Saint-Rémy, mais le voyage, le travail et un tas d'émotions nouvelles jusqu'aujourd'hui me le faisaient remettre du jour au lendemain. Cela m'a beaucoup intéressé que tu aies soigné des malades à l'hôpital Wallon. Certes c'est ainsi que l'on apprend un tas de choses, des meilleures et des plus nécessaires que l'on puisse apprendre, et moi je regrette que je ne sache rien, en tout cas pas assez, de tout cela. (...)
Pour moi le voyage et le reste jusqu'ici se sont bien passés, et de revenir dans le Nord me distrait beaucoup. Puis j'ai trouvé dans le Dr Gachet un ami tout à fait et quelque chose comme un nouveau frère, tellement nous nous ressemblons physiquement, et moralement aussi. Il est très nerveux et beaucoup bizarre lui-même, et il a rendu aux artistes de la nouvelle école beaucoup d'amitiés et de services, tant que c'était dans son pouvoir. J'ai fait son portrait l'autre jour et vais peindre aussi celui de sa fille qui a dix-neuf ans. Il a perdu sa femme il y a quelques années, ce qui a contribué beaucoup à le casser. Nous avons été amis pour ainsi dire tout de suite et j'irai passer toutes les semaines une ou deux journées chez lui, à travailler dans son jardin dont j'ai déjà peint deux études, l'une avec des plantes du Midi, aloès, cyprès, soucis, l'autre des roses blanches, de la vigne et une figure, puis un bouquet de renoncules.
Avec cela j'ai un plus grand tableau de l'église du village - un effet où le bâtiment paraît violacé contre un ciel d'un bleu profond et simple, de cobalt pur, les fenêtres à vitraux paraissent comme des taches bleu d'outremer, le toit est violet et en partie orangé. Sur l'avant-plan, un peu de verdure fleurie et du sable ensoleillé rose. (...)
( à suivre )

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