mercredi 17 août 2016

JOURS INTRANQUILLES À AUVERS (6-suite)

Lettre à Théo  (3 juin 1890)

Mon cher Théo,
Je n'ai encore rien trouvé d'intéressant en fait d'atelier possible, et il faudra pourtant prendre une chambre pour y mettre les toiles qui sont de trop chez toi et qui sont chez Tanguy. Car il faut encore beaucoup y retoucher. Mais enfin je vis au jour le jour - il fait si beau. Et la santé va bien, je me couche à 9 heures, mais me lève à 5 heures la plupart du temps. J'ai l'espérance qu'il ne sera pas désagréable de se retrouver après une longue absence. Et j'espère aussi que cela continuera que je me sens bien plus sûr de mon pinceau qu'avant d'aller à Arles. Et M. Gachet dit qu'il trouverait fort improbable que cela revienne, et que cela va tout à fait bien. Mais lui aussi se plaint amèrement de l'état de choses partout dans les villages où il est venu le moindre étranger, que la vie y devient si horriblement chère. Il dit qu'il s'étonne que les gens où je suis me logent et nourrissent pour cela et que j'ai encore relativement à d'autres qui sont venus et qu'il a connus, de la chance. Que si tu viens et Jo et le petit, vous ne pourrez faire mieux que de loger à cette même auberge. Maintenant rien, absolument rien ne nous retient ici, que Gachet - mais celui-là restera un ami à ce que je présumerais. Je sens que chez lui je peux faire un tableau pas trop mal toutes les fois que j'y vais et il continuera bien de m'inviter à dîner tous les dimanches ou lundis. (...)
Qu'est-ce qu'a dit Gauguin du dernier portrait d'Arlésienne, qui est fait sur son dessin ? Tu finiras par voir, je croirais, que cela est une des choses les moins mauvaises que j'ai faites. Gachet a un Guillaumin, femme nue sur un lit que je trouve fort belle, il a aussi un très ancien portrait de Guillaumin par lui, très différent du nôtre, noir mais intéressant.
Mais sa maison tu verras c'est plein, plein, comme un marchand d'antiquités, de choses pas toujours intéressantes. Mais dans tout cela il y a ceci de bon que pour arranger des fleurs ou des natures mortes, il y aurait toujours de quoi.
J'ai fait ces études pour lui, pour lui montrer, que si ce n'est pas un cas où on lui payerait en argent, nous le dédommagerons pourtant toujours de ce qu'il ferait pour nous.
( à suivre )

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