mercredi 3 août 2016

JOURS INTRANQUILLES À AUVERS (5-fin)

Lettre à Théo et Jo  (25 mai 1890)

Mon cher Théo, ma chère Jo,
Ici on est loin assez de Paris pour que ce soit la vraie campagne, mais combien néanmoins changé depuis Daubigny. Mais non pas changé d'une façon déplaisante, il y a beaucoup de villas et habitations diverses modernes et bourgeoises, très souriantes ensoleillées et fleuries. Cela dans une campagne presque grasse, juste à ce moment-ci du développement d'une société nouvelle dans la vieille, n'a rien de désagréable ; il y a beaucoup de bien-être dans l'air. Un calme à la Puvis de Chavannes j'y vois ou y crois voir, pas d'usines, mais de la belle verdure en abondance et en bon ordre.
Veux-tu me dire à l'occasion quel est le tableau qu'a acheté Melle Boch ? Je dois écrire à son frère pour les remercier et puis je proposerai l'échange de deux de mes études contre une de chacun d'eux. J'ai un dessin d'une vieille vigne, dont je me propose de faire une toile de 30, puis une étude de marronniers roses et une de marronniers blancs. Mais si les circonstances me le permettront, j'espère faire un peu de figure. Vaguement des tableaux se présentent à ma vision, qu'il prendra du temps pour mettre au clair, mais ça viendra peu à peu. Si je n'avais pas été malade, depuis longtemps j'aurais écrit à Boch et à Isaäcson. Ma malle n'est pas encore arrivée, ce qui m’embête, j'ai envoyé ce matin une dépêche.
Je te remercie d'avance de la toile et du papier. Hier et aujourd'hui il pleut et fait de l'orage, mais ce n'est pas désagréable de revoir ces effets-là. Les lits ne sont pas arrivés non plus. Mais quoiqu'il en soit de ces embêtements, je me sens heureux de ne plus être si loin de vous autres et des amis. J'espère que la santé va bien. Cela m'a pourtant paru que tu avais moins d'appétit que dans le temps et d'après ce que disent les médecins, pour nos tempéraments il faudrait une nourriture très solide. Sois donc sage là-dedans, surtout Jo aussi, ayant son enfant à nourrir. Vrai il faudrait bien doubler la dose, ce ne serait rien exagérer quand il y a des enfants à faire et à nourrir. Sans ça c'est comme un train qui marche lentement là où la route est droite. Temps assez de modérer la vapeur, quand la route est plus accidentée. Poignée de main en pensée,
                                                                                                                        t. à t.
                                                                                                                    Vincent

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