mercredi 6 juillet 2016

JOURS INTRANQUILLES À AUVERS (4)

Lettre à Théo et Jo  (sans date)

Mon cher Théo et chère Jo,
De ces premiers jours-ci, certes j'aurais dans des conditions ordinaires espéré un petit mot de vous déjà. Mais considérant les choses comme des faits accomplis - ma foi - je trouve que Théo, Jo et le petit sont un peu sur les dents et éreintés - d'ailleurs moi aussi suis loin d'être arrivé à quelque tranquillité. Souvent, très souvent je pense à mon petit neveu - est-ce qu'il va bien ? Jo voulez-vous me croire - si cela vous arrive de nouveau, ce que j'espère, d'avoir encore d'autres enfants - ne les faites pas en ville, accouchez à la campagne et restez-y jusqu'à ce que l'enfant ait trois ou quatre mois. À présent il me semble que l'enfant n'ayant encore que six mois, déjà le lait devient rare, déjà vous êtes - comme Théo - fatiguée trop. Je ne veux pas dire du tout éreintée, mais enfin les ennuis prennent trop de place, sont trop nombreux et vous semez dans les épines. C'est pourquoi je vous donnerais à penser de ne pas aller en Hollande cette année-ci, c'est très, très couteux toujours le voyage, et jamais cela a fait du bien. Si, cela fait du bien si vous voulez à la mère, qui aimera à voir le petit - mais elle comprendra et préférera le bien-être du petit au plaisir de le voir. D'ailleurs elle n'y perdra rien, elle le verra plus tard. Mais - sans oser dire que ce soit assez - quoi qu'il en soit, il est certes préférable que père, mère et enfant prennent un repos absolu d'un mois à la campagne.
D'un autre côté, moi aussi, je crains beaucoup d'être ahuri et trouve étrange que je ne sache aucunement sous quelles conditions je suis parti - si c'est comme dans le temps à 150 par mois en trois fois. Théo n'a rien fixé et donc pour commencer je suis parti dans l'ahurissement. Y aurait-il moyen de se revoir encore plus calme - je l'espère, mais le voyage en Hollande je redoute que ce sera un comble pour nous tous.
Je prévois toujours que cela fait souffrir l'enfant plus tard d'être élevé en ville. Est-ce que Jo trouve cela exagéré, je l'espère, mais enfin je crois que pourtant il faut être prudent. Et je dis ce que je pense, parce que vous comprenez bien que je prends de l'intérêt à mon petit neveu et tiens à son bien-être ; puisque vous avez bien voulu le nommer après moi, je désirerais qu'il eût l'âme moins inquiète que la mienne, qui sombre.
( à suivre )

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