AUTOUR DE LA MAISON (14)
Pourtant c'était plus fort que nous. Sa
façon de marcher, sa façon de parler, tout chez elle nous faisait rire. La
maîtresse se fâcha et renvoya l'un d'entre nous. C'était tombé sur moi. Tout au long du chemin, j'avais pleuré de
rage beaucoup plus que de honte.
Pourquoi moi et pas les autres ? L'injustice me brûlait comme le feu de
la glace. Mon père était dans la cuisine. Entre deux pleurs, je réussis à raconter ce
qui venait de m'arriver. Il m'écouta d'abord. Puis sentant ma douleur, il m'expliqua ensuite que cette nouvelle élève
ressentait elle aussi une injustice énorme. Pas seulement ce jour là, mais
chaque fois qu'elle voyait quelqu'un se moquer d'elle. C'est à dire tous les
jours. Il me demanda de bien y réfléchir. Et ce jour là, je crois, j'en appris
plus sur la morale que ce que disaient, sur le tableau noir, tous les matins de
tous les jours de tous les ans, ces phrases compliquées. L'après-midi je retournai, toute seule, à
l'école pour deux choses. D'abord demander pardon à la nouvelle venue pour m'être moquée d'elle. Ensuite
dire à la maîtresse que mon père m'avait expliqué et qu'à présent je
comprenais. J'étais devenue
quelqu'un de différent. Et c'est sans doute aussi depuis ce jour-là que
j'aimai mon père plus que tout au monde. Car il avait soigné mon cœur. Je m'aperçus alors que j'avais pris la
route en direction inverse. En
rebroussant chemin, je repassai devant l'école, devant la maison vide, et les
regardai sans être envahie par mes émotions. J'étais
en paix avec le monde.
( FIN )
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