lundi 8 février 2016

AUTOUR DE LA MAISON  (14)

Pourtant c'était plus fort que nous. Sa façon de marcher, sa façon de parler, tout chez elle nous faisait rire. La maîtresse se fâcha et renvoya l'un d'entre nous. C'était tombé sur moi. Tout au long du chemin, j'avais pleuré de rage beaucoup plus que de honte. Pourquoi moi et pas les autres ? L'injustice me brûlait comme le feu de la glace. Mon père était dans la cuisine. Entre deux pleurs, je réussis à raconter ce qui venait de m'arriver. Il m'écouta d'abord. Puis sentant ma douleur, il m'expliqua ensuite que cette nouvelle élève ressentait elle aussi une injustice énorme. Pas seulement ce jour là, mais chaque fois qu'elle voyait quelqu'un se moquer d'elle. C'est à dire tous les jours. Il me demanda de bien y réfléchir. Et ce jour là, je crois, j'en appris plus sur la morale que ce que disaient, sur le tableau noir, tous les matins de tous les jours de tous les ans, ces phrases compliquées. L'après-midi je retournai, toute seule, à l'école pour deux choses. D'abord demander pardon à la nouvelle venue pour m'être moquée d'elle. Ensuite dire à la maîtresse que mon père m'avait expliqué et qu'à présent je comprenais. J'étais devenue quelqu'un de différent. Et c'est sans doute aussi depuis ce jour-là que j'aimai mon père plus que tout au monde. Car il avait soigné mon cœur. Je m'aperçus alors que j'avais pris la route en direction inverse. En rebroussant chemin, je repassai devant l'école, devant la maison vide, et les regardai sans être envahie par mes émotions. J'étais en paix avec le monde.
( FIN )

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