AUTOUR DE LA MAISON (13)
Tous les
matins, en arrivant, elle écrivait sur le tableau la morale du jour : Ta
liberté s'arrête où commence celle de ton voisin. Je voyais un petit bâton qu'on se passait de
main en main comme dans les courses de relai, le petit bâton de la liberté, il
filait jour et nuit, il y avait toujours
quelqu'un pour le passer à son voisin, une course endiablée et sans fin pour un petit bâton qu'on avait entre les mains pendant cent mètres et qui
disparaissait dans les mains du suivant. Ça me laissait perplexe. Puis les
leçons de choses : Les carnassiers sont carnivores, ils mangent de la chair, les
ruminants sont herbivores, ils mangent de l'herbe, et comment est l'homme, lui qui mange de tout ? Je sais Madame, j'ai la réponse, l'homme qui
mange de tout est un toutivore ! L'instruction civique : Qu'est-ce que le parlement ? Moi madame, je connais, c'est là où on parle
en même temps qu'on ment. L'histoire géographique, grammaire acrobatique, les opérations, les récitations, la
récréation qui passait plus vite qu'une étoile filante. Ce que je préférais,
c'était le soir, juste avant la sortie, quand la maîtresse ouvrait un livre,
Poil de carotte, Gobe lune, et nous en
lisait un chapitre. Lorsqu'elle fermait le livre et qu'il fallait partir, je ne
pouvais plus me lever. Un jour, elle nous avait privés de cette lecture. Le matin une nouvelle élève était arrivée
avec ses parents. La nouvelle, timidement, s'était assise au fond. Nous avions remarqué qu'elle
marchait bizarrement, tout de travers, en boitant fort, sans savoir qu'elle avait cette maladie, la
poliomyélite. La maîtresse nous expliqua.
( à suivre )
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