AUTOUR DE LA MAISON (12)
Je
m'arrêtai à la maison, mais me gardai
bien d'y entrer. Je pris mes
vêtements qui pendaient sur le fil
et me changeai dehors, par derrière le
hangar, à l'abri des regards. À un
moment donné je me retrouvai nue. Jamais, je crois, ici, même quand
j'étais
petite, on ne m'avait vue nue. On se
déshabillait à l'intérieur des chambres. Et maintenant, à soixante ans,
voilà que je m'y mettais. Si ma mère m'avait vue ! Cela dura quelques
secondes mais je sentis comme une présence qui m'observait de haut, sans malveillance, sourire aux lèvres, du
genre : « Celle-là, vraiment, elle ne changera pas. Faut se faire une
raison ». Lorsque je me retrouvai dans mon pantalon et mon pull marin, ceux de
ce matin, j'avais l'impression d'être quelqu'un d'autre. Plus jeune, plus vieille, plus forte et plus fragile,
plus sage et plus folle,
plus laide et plus belle. Comme
si j'avais franchi les frontières de mon corps. Je repris la route sans chercher plus
loin. J'étais bien, je vivais, l'inquiétude avait fui par des sentiers
secrets. Quand je passai l'école, fermée mais intacte, je revis tout en un éclair, la marche à pied
pour y aller, quand nous marchions à
reculons, on voyait la maison s'éloigner peu à peu, ça nous donnait en bouche le goût de l'évasion, la maîtresse
qui nous apprenait les règles d'orthographe, poux hiboux choux genoux, le calcul mental, deux tonnes plus un
quintal, écrivez-le en chiffres, en kilos s'il vous plaît, levez vos ardoises,
allez toi là-bas ne fais pas semblant de chercher la lune.
( à suivre )
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