AUTOUR DE LA MAISON (11)
Je
trouvai la chemise de nuit que j'avais balancée
sur la banquette arrière. Je l'enfilai
à toute vitesse pendant que le garde
coupait le moteur, abaissait sa vitre « Madame bonjour. Quelque chose
qui ne va
pas ? » Bonjour, non tout va bien. Je viens de
prendre un bain. C'est une amie chinoise qui me l'a conseillé. Très bon
pour la
santé. Au début c'est dur, mais on s'y fait vite « Moi je ne m'y ferais pas. Vous savez, les Chinois, ils n'ont pas
toujours tort, mais ça ne veut pas dire qu'ils ont raison sur tout » Je
ramenai les pans de la chemise de
nuit sur ma chair de poule. Son regard me
perçait. Il me passait aux rayons X.
J'étais sûre de son diagnostic : « Encore une qui en tient un grain. La
ville les azimute. On devrait tous les enfermer » Je tentai une
diversion : En tous cas je vous remercie. Mais vous
avez sans doute beaucoup de choses à faire « Moi mon boulot c'est la
forêt. Les
gens, du moment qu'ils n'y touchent pas, c'est pas mes oignons » Je vous approuve. Moi aussi j'aime les arbres. Spécialement les sapins.
Quand il y a un peu de vent, on les entend presque parler. Je compris,
mais
trop tard, que j'en avais trop dit. Il me regardait en réfléchissant. Je
craignais le pire « Moi je ne cherche pas midi à quatorze heures.
Quand je vois un arbre,
c'est du bois qui pousse et pas autre chose. Mais comme vous le disiez,
j'ai
pas que ça à faire. Je vous laisse. Attention... » il hésita quelques
secondes, puis
poursuivit, en démarrant : « Attention au rhume. C'est vite arrivé. Le rhume des sapins, c'est le plus sévère » Et il partit sans
même m'avoir saluée. Je piquai un fou rire. De
quoi avais-je eu peur ? Qu'est-ce qu'il pouvait me faire ? Sur le chemin du retour, des gens me saluèrent.
Ils avaient sans doute reconnu la chemise de nuit de ma mère.
( à suivre )
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