lundi 11 janvier 2016

AUTOUR DE LA MAISON  (10)

Les voix se firent plus impérieuses juste avant de se taire. Comme si tous ces murmures, tous ces sapins m'avaient conduite à un endroit précis où ils voulaient que je me pose. Et je vis cette vieille femme qui m'attendait depuis longtemps. Elle était là, en face de moi. La mère de mon père. J'étais très petite. Elle était debout et elle s'approchait. Ses yeux éteints. Sa bouche tordue. Je ne pouvais pas faire un geste. Horrifiée. Pétrifiée. J'avais la mort en face de moi, qui venait me chercher. J'étais persuadée que ce serait la fin dès qu'elle me toucherait. Elle étendit le bras. Elle ne me voyait pas mais elle savait que j'étais là. Je fermai les yeux. J'allais mourir. Je sentis sa main se poser sur moi. Sur le dessus de ma tête. Puis elle descendit le long de ma joue. Elle me caressait. Une caresse tellement douce, tellement tendre, tellement affectueuse, que j'en eus les larmes aux yeux. Son visage, là, tout près, était toujours aussi affreux. Mais elle me parlait d'une voix si aimante, si belle, si bouleversante que ma terreur avait fait place à un infini bonheur. Et elle m'a dit « Ma petite fille, je suis heureuse que tu sois là. Et que tu n'aies plus peur de moi » Je ne répondis rien, mais je posai ma tête contre son ventre chaud. Et nous restâmes ainsi, sans bouger, sans parler, toute un éternité. Tu vois, finit par me souffler le sapin le plus proche, en te prenant par la main, ta grand-mère aveugle, la mère de ton père, t'a fait traverser la mort. Alors aujourd'hui pourquoi as-tu peur de perdre ta mère ? Un silence de bébé qui dort. Quelques branches qui frémissent. Les sapins s'étaient tus. Je savais qu'aujourd'hui ils ne parleraient plus. Je me penchai sur l'eau, m'aspergeai le visage et glissai sur une pierre. Je m'étalai dans l'eau glacée et je poussai un cri de bête. En tentant de me redresser, je tombai à nouveau. J'étais trempée jusqu'aux os. Je finis par me relever, courus à la voiture, ôtai en grelottant mes vêtements mouillés, les jetai dans le coffre et me retrouvai nue, à côté du volant. Juste à ce moment là, la voiture du garde forestier passa, puis ralentit, s'arrêta, puis recula, s'arrêta à mon niveau, tandis que je cherchais partout autour de moi quelque chose à me mettre.
( à suivre )

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire