lundi 23 novembre 2015

AUTOUR DE LA MAISON  (3)

La radio, achetée par mon frère lorsqu'il était à l'armée en Allemagne près de Mannheim. Un transistor Grundig, de la bonne qualité. J'entendais l'émission de radio Suisse Rom- ande, Geneviève Tabouis nous avertissait, chaque dimanche, vers midi, avec son sempi- ternel « Attendez-vous à savoir », je ne comprenais rien mais sa voix m'enchantait. Un peu plus loin des petites tables, dont le nombre croissait avec les années, où s'empilaient des emballages de mixeurs, centrifugeuses, couteaux électriques, grille-pain à fromage, offerts par tout le monde et qui n'avaient jamais servi « Encore un truc qui sert à rien ! » s'énervait notre mère « Remballe-moi ça tout de suite, c'est de l'argent jeté par les f'nêtres, ça fait un boucan du diable, on s'en sert une minute et on passe trois quarts d'heure à le nettoyer, tout ça pour presser deux citrons, c'est un attrape-couillons, fous moi tout ça en l'air, passe-moi la râpe en fer » Sous les tables, plein de jouets, des jouets pour tous les âges, les jouets de tous les gamins que notre mère avait gardés tout au long de sa vie, puis les sabots de bois posés au pied du mur, notre mère les mettait l'année dernière encore quand elle allait dehors, j'avais à l'oreille le bruit qu'ils faisaient en raclant le sol, comme si on déplaçait un meuble, et aussi ces petits cartons où ma mère triait les déchets : d'un côté les plastiques, qu'elle donnait au voisin, les papiers, qu'elle brûlait, et de l'autre les épluchures, les détritus de nourriture, entassés dans un berlingot découpé proprement, qui finissaient sur le compost, le tas de fumier comme elle l'appelait. Ce matin-là, le berlingot ne contenait qu'une vieille orange, complètement moisie. Dès que je la vis, mue par un réflexe, j'allai la jeter. Près du tas de fumier, tout au bout du jardin, les cages à lapins. Elles étaient vides. Je regardai plus loin. Les sapins silençaient. Les feuillus préparaient leur lente résurrection. Dans quelques semaines, les feuilles reviendraient. La vie renaîtrait. Et notre mère s'en tirerait.
( à suivre )

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire