mercredi 11 mars 2015

DERNIER TANGO À L.A. (8)

Les clés en sont confiées à Phil Spector, avec qui l'ancien Beatle a enregistré ses deux premiers disques post-Beatles, Plastic Ono Band et Imagine, et les musiciens constitués d'un aréopage de requins de haut vol au nombre desquels figurent Jim Keltner, Klaus Voormann, Steve Cropper et Jesse Ed Davis. S'échelonnant d'octobre à décembre 1973, les séances du futur Rock'n'Roll, on le sait, dégénèrent très vite, Spector s'illustrant surtout par ses déguisements extravagants, sa consommation gargantuesque de cognac Courvoisier, son penchant qui s'avérera funeste pour les armes à feu et le kidnapping final des bandes enregistrées. Lennon n'est pas en reste, décrit par Jim Keltner comme "assis la plupart du temps sur un tabouret un casque sur les oreilles, avec un seau rempli de vodka d'une taille carrément ridicule à ses pieds". Installé avec May Pang dans la maison du producteur Lou Adler, Lennon "biberonne, comme jamais depuis mes 20 ans". Il laisse surtout libre cours à la partie la plus destructrice de sa personnalité, malgré la présence a priori rassurante de Mal Evans, l'ancien roadie des Beatles, qui le raccroche à ses racines liverpuldiennes. À Los Angeles, les frasques de Lennon deviennent vite légendaires, même si tout le monde fait son possible pour éviter qu'elles ne s'ébruitent dans la presse afin de ne pas aggraver son cas vis-à-vis de l'INS. Mais même celles qui paraissent les plus invraisemblables, telles que narrées par Albert Goldman dans son abominable Une vie avec les Beatles, seront a posteriori confirmées par des sources plus fiables. Il y a ce jour où, excédé par l'attitude laborieuse de Spector, il manque de violer May Pang devant tous les musiciens, avant de sortir du studio avec Jesse Ed Davis, de rouler une énorme pelle à celui-ci, puis de le repousser violemment. Une fois en voiture, il entreprend de rouer de coups les autres passagers, en hurlant alternativement : « May ! Yoko ! May ! Yoko ! ». Arrivé à Bel Air, Lennon tente d'étrangler Phil Spector, qui heureusement ne se déplace jamais sans George, son garde du corps. Celui-ci finit par ligoter Lennon à son lit, mais ce dernier, totalement incontrôlable, parvient à se libérer et commence à balancer les meubles par la fenêtre. Lennon finira par se calmer dans les bras de Tony King, un employé du label Apple, non sans avoir réduit en poussière la collection de disques d'or accumulée par Lou Adler grâce aux Mamas & the Papas.

(à suivre)   © Manuel Rabasse 2014

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