jeudi 10 janvier 2013

Dans l'immédiat après-mai 68, Marx était un sujet de conversation parmi la population lycéenne et estudiantine. Je parle de Karl Marx, pas de Groucho, Harpo ou Chico, qui ont eu eux aussi leur heure de gloire, mais pas pour les mêmes raisons. N'ayant rien lu ni appris de lui - Karl - je me contentais d'écouter Gérard synthétiser Das Kapital. Gérard avait un don pour décrire la société, la politique, l'économie. La preuve, c'est que quarante ans plus tard, j'en ai retenu l'essentiel [ du Kapital ]. En fait une seule phrase. Je la cite de mémoire : Le salaire représente la somme nécessaire au prolétaire pour reproduire sa force de travail. Si cette phrase m'est restée en mémoire, intacte, inaltérable, c'est surtout pour l'interrogation, l'incompréhension qu'elle provoqua dans mon esprit. Au début des années 70, la société de consommation était encore dans un âge d'or qui faisait de chacun un jouisseur en puissance. Tout était sinon offert, du moins promis et l'une des clés de cette jouissance sans frein était l'argent. Plus exactement, l'argent destiné aux consommables non alimentaires, aux loisirs, au superflu. Donc apprendre de la bouche de Gérard qu'un siècle plus tôt, Karl avait théorisé le capitalisme en ces termes me laissait coi. J'en suis vite revenu. Beaucoup d'eau a coulé depuis sous les ponts du monde entier et ce foutu salaire tend à reprendre aujourd'hui une partie de la place, une partie de l'assiette qu'il occupait en 1850.

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