samedi 20 octobre 2012

Dans la maison, tout devenait fin, fragile, instable. Des fenêtres avaient été ajoutées, les cloisons ajourées, le vent entrait dans les chambres et faisait bouger le mobilier léger. C'était une idée de mon père, enfin d'un ami de mon père, un jeune architecte dont ni mon frère ni moi n'avions jamais entendu parler, mais la décoration intérieure n'était pas notre tasse de thé. Quant à ma mère, elle n'était pas là et je me demandais quelle allait être sa réaction devant l'étendue des aménagements. Les planchers avaient été considé- rablement allégés, au point qu'ils ployaient sous nos pas pourtant prudents et il fallait accorder ceux-ci au mouvement ondulatoire que nous sentions naître sous nos pieds lors de nos déplacements, surtout à l'étage. Devant mon inquiétude concernant la solidité de l'édifice, mon père souriait d'un air malicieux, façon « attends de voir le résultat » ou bien « tu ne connais pas ta chance ». Quelle chance ? Celle de servir de cobaye à ce Corbusier du courant d'air, celle de constater que notre maison était en train de se transformer en château de cartes, en artefact domestique au pays des merveilles de ventôse ? À chaque perte d'équilibre, à chaque rattrapage au dernier moment, mon père avait la parade. « Vous allez vous habituer, vous verrez, ça va vous changer la vie, ça va vous ôter d'un doute qui pèse sur vos esprits ». Mon père parlant d'esprit, c'est ça qui a dû me réveiller. Dehors, le vent soufflait.

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