mercredi 25 juillet 2012

LA CASSEROLE ROUGE (5)

Il me raconta l'histoire suivante. À l'automne 1889, son père dut quitter sa famille et sa région pour aller travailler non loin de Paris. Ce changement de situation faisait suite à l'incendie qui détruisit la scierie de Levier pendant l'été. Le patron dut se résoudre à remettre en service une petite usine à bois désaffectée dont il avait hérité et qui était située dans la forêt domaniale de L'Isle-Adam, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris. Il proposa à ceux de ses employés qui le souhaitaient de le suivre. C'est ainsi que mon arrière grand-père accepta de s'exiler à près de 500 kilomètres de chez lui, alors qu'il avait rarement dépassé les limites du canton. Il était occupé 12 heures par jour à approvisionner les grumes à l’intérieur de la scierie, ainsi qu'à remiser les différentes pièces de bois après sciage. À cette époque, l'esprit de compagnonnage était grand et les ouvriers sur site étaient parfois sollicités pour des tâches moins qualifiées à pourvoir sur chantier. À la fin de l'année 1889 débuta un important chantier dans une aile du château de Méry, endommagée par un incendie lors de la célébration du centenaire de la révolution française. Francis y participa, sous la houlette d'un compagnon charpentier. Au printemps de 1890, il partageait donc son temps de travail entre la scierie et le château. Sa préférence allait à ce dernier, pour plusieurs raisons. Le cadre, les compagnons, les conditions de travail, mais surtout la nourriture. Le casse-croûte du matin et le repas de midi étaient préparés dans les cuisines du château et apportés dans une dépendance des écuries qui faisait office de réfectoire et de vestiaire. Le soir, chacun pouvait rentrer chez lui ou dormir sur place, le repas du soir restant à sa charge. Les économies faites au quotidien permettaient à certains de manger à l'auberge locale, un ou deux soirs par semaine. En l'occurrence le Lapin Chasseur à Méry, mais il apparût vite à la fine gueule qu'était Francis que de l'autre coté du pont à Auvers, le chef de l'auberge Ravoux avait quelque chose que les autres n'avaient pas.

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