vendredi 1 juin 2012

LA CASSEROLE ROUGE (1)

Jusqu'à l'âge de douze ans, je passais beaucoup de temps chez mes grands-parents. L'appartement qu'ils occupaient dans cette rue sombre du centre ville avait tout d'un appartement témoin. Témoin d'une indécision, d'une instabilité. Toutes les pièces avaient une singularité. Le couloir avec son mur droit qui finissait en arc de cercle convexe pour épouser la courbe de la cage d'escalier de l'immeuble, la cuisine et son pilier métallique, la chambre froide, le cagibi, les deux doubles portes entre la salle à manger et les chambres, les placards en quart de cercle concave, rien n'était commun, rien ne se conformait à un ordre établi. Malgré tout, l'harmonie du lieu n'était pas remise en cause. La décoration était à l'avenant. Deux paysages dans le style de Corot, deux gravures de batailles napoléoniennes, deux bouteilles d’absinthe provenant de l'incendie des usines Pernod, ramollies par le feu comme les montres par la paranoïa de Dali. Il y avait aussi le bronze d'Apollon sur la sellette avec une plante verte et puis au mur, la casserole rouge. La silhouette d'éphèbe d'Apollon règne aujourd'hui sur ma cheminée, parfait antidote à son contemporain, le portrait de Dorian Gray. Quant à la casserole, c'est une autre histoire.

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