vendredi 20 janvier 2012

NAPOLÉON EN HAILLONS (5)

À peine le temps de toiletter un quark du monde que bom, bom... bomm, bomm... le pas de Ferdy raisonne au dessus de ma tête. Il quitte son poste devant le cimetière de Montmartre à 14h quand Manuel prend la relève. Le pas de Ferdy est un métronome qui l'amène en 55 minutes au Quai de l'Ourcq, plus 3 minutes pour grimper dans sa carrée. Donc au quatrième bom, il est l'heure des bois secs. Ces deux mots familiers ne désignent pas une bande de soiffards s’égosillant sur le quai, mais un assortiment d’écorces et de bûchettes de différents calibres, rangées dans une trousse à fermeture éclair qui ne quitte jamais la poche de ma veste d’intérieur-extérieur. Secs, ils le sont par vocation, par essence devrais-je dire, car ils ont vocation à être sucés par votre serviteur quatre fois par jour entre les heures de repas, la notion d'heure étant plus pertinente que celle de repas. Ils sont alors percolés de salive jusqu’à délivrer leurs ultimes molécules gustatives, après quoi je les remplace par d’autres spécimens, en attente au séchage sous l’alambic. Ce 3 mai à 15 heures, je disposais des bois suivants : 1) une écorce de rhomsorgo ramassée au Jardin des Plantes que je mets en bouche en premier, car son pouvoir réparateur la destine naturellement à l’entame de diète matinale ; de plus, la puissance de son arôme de framboise moisie ne tarit pas et peut même couper l'appétit, dans certains cas, 2) une petite fourche d’ormeau des jardins de Notre-Dame, idéale pour ronger mon frein, quand j’ai une heure à perdre, 3) un petit bâton de chêne vert du Périgord rapporté par Rod de son dernier périple dans le Sud, 4) une pousse de mélèze, très parfumée mais peu durable, quinze jours tout au plus, 5) deux petites baguettes de frêne, un bout taillé en pointe, l’autre équarri pour servir de baguette chinoise quand j’ai quelque chose de noble à diriger vers le carrefour des mandibules, c'est-à-dire les jours où il pleut de l’eau bénite, 6) une boite d'allumettes malgaches de 105 mm de longueur (385 unités à l'origine, il m'en reste 147) qui sont à usage unique, 7) enfin, mon "savon à barbe".

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