dimanche 15 janvier 2012

NAPOLÉON EN HAILLONS (4)

Ça va mieux. Au pain meurtri, mon estomac reconnaissant. J'ai pris un pain meurtri dans la cagnotte du squat. C'est mon premier en mai. Chaque cosquatteur a droit à six P.M. par mois. Je vous en dirai plus. Pour le moment, je vais me pencher sur ce mémoire médicinal qui répond à ma demande - non formulée - à Herr Herbert. Il en ressort que le principe de nucis medium fissura est le suivant : dans l’affection dénommée "harcèlement du passé", le cortex cérébral émet un gaz qui rend les méninges poreux. Celui-ci se répand dans la boite crânienne et monte en pression, empêché de sortir par la paroi osseuse et les muqueuses. Il faut donc rompre cette étanchéité, sans porter atteinte à la matière noble, en créant une fissure pour permettre au gaz de s’échapper, comme lorsqu’on ouvre un bocal en tirant sur le joint de caoutchouc, sauf que pour les conserves c'est l'inverse, c'est le gaz qui rentre. Au dos de la feuille en latin, une série de calculs résumée dans un tableau, avec un croquis du dispositif de soins et un mode opératoire. Suivant les dimensions du crâne du patient, son âge et les caractéristiques mécaniques de son squelette, on obtient par lecture directe le poids et la hauteur de chute de la masselotte qui, en percutant la tête au niveau de l’axe temporal, doit provoquer la fissure salvatrice. Tout ça me semble intéressant, dans l’esprit. Car dans la pratique, il faut avoir la cervelle bien malade, et salement aimantée, pour accepter cette sorte de roulette russe, rouge, impair et manque, sur tapis de matière grise. Il faut surtout vérifier que le palpitant est bien accroché, lui qui a souvent le vertige dans sa cage, rapport au vide qui se creuse sous lui, quand mon estomac fait relâche. En outre, sans omettre de remplir les missions régaliennes qui lui incombent, mon cœur a beaucoup palpité, hésité, capitulé devant la dictature de l'inconscient. Mais je m'égare et pendant ce temps, le triangle de lumière a quitté le ventre de l’alambic pour rendre son âme de papillon frileux dans la zone vermoulue du plancher, signe à cette période de l’année qu’il est 10 heures, l’heure des bois secs. Sauf que comme j'ai mangé un pain meurtri à 8h30, tout est repoussé d'une période. Donc pour les bois, ce ne sera pas avant 15 heures. Pour tromper l'attente, rien de tel qu'un petit somme. La sieste c'est le cinéma du pauvre, la dispersion de l'humanité par le silence et l'immobilité, la multiplication du sacré par le rêve.

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