mardi 10 janvier 2012

NAPOLÉON EN HAILLONS (3)

Je franchis le seuil, la seule chose à franchir pour entrer dans le squat, je place une ration de rice pudding dans la gamelle de Torgnole et contrôle son eau. Une fois grimpée l’échelle, puis redescendue la pente vers l’alambic, je me retrouve dans mon pré carré, c'est à dire un 37 m² borgne - mais pas aveugle - synonyme de précarité. Je me laisse tomber sur le pouf sous la lucarne, la main serrant le papier dans ma poche, et j’attends que le premier rai de lumière touche le ventre de l’alambic pour en prendre connaissance. En réalité, il s'agit de deux feuillets pliés en quatre. Sur la première feuille, inscrits très lisiblement, quatre mots disposés au centre de chaque quart de feuille : SET FREE (en haut) et MID GET (en bas). La deuxième feuille consiste en un texte écrit à la main, d’une calligraphie grossière au premier regard, mais qui après un examen plus attentif semble plutôt " tracée maladroitement avec application ". Comme s’il avait été écrit de la main gauche par un droitier, ou bien de la droite vers la gauche par un occidental. Effectivement, le texte est aligné sur le bord droit de la feuille, mais se lit néanmoins de gauche à droite. Le reflet solaire de 8h11 sur le serpentin est salutaire et me remet les yeux en face des trous. Je lis : « De cerebrum humanum aeque nux matura. Maestus Dilucidus, anno MCLXXI ». Mes quelques années de latin trouvent subitement un emploi judicieux, capable de tromper l'appétit structurel du matin, car après cette escapade matinale, je n’ai rien à opposer au conformisme désolant de mon métabolisme, digestif dans son principe, mais ingestif dans sa demande. Ce que j'ai sous les yeux est extrait d’un ouvrage médical sur le traitement d’un trouble de la mémoire nommé lacessitio tempus praeteritum, littéralement "harcèlement du passé". Suivant la gravité et la fréquence des symptômes, il est préconisé plusieurs remèdes. Si les troubles persistent après quatorze jours de calor tenera feles, il faut alors recourir à nucis medium fissura. Cet assemblage de rébus anglais et de grimoire latin a tout de la carpe et du lapin. Est-ce l'effort de concentration, mais ça gargouille sec dans mon bidon vide. Il faut que je mange !

2 commentaires:

  1. le latin m'est devenu abscons bien plus que la carpe que je saurais faire frire et que le lapin que je viens d'apprendre à découper, cuire et accommoder...

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  2. le latin m'est devenu abscons, je n'en comprends plus le sens, la structure grammaticale est glissante comme une patinoire, je ne déchiffre plus rien, les mots sont comme des leurres, ils m'attirent sur la fausse piste de leur ressemblance avec le français ...et c'est d'autant plus flouant de s'imaginer qu'on ne peut pas ne pas y arriver, pourtant nada.

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