dimanche 1 janvier 2012

NAPOLÉON EN HAILLONS (1)

Qui m’avait indiqué ce marabout du désespoir, je ne sais plus. Le fait est que j’avais son adresse avec un croquis, griffonné sur un prospectus de la Foire du Trône. En marge du croquis, j'avais écrit " 5h / 6h du matin ", et à coté en majuscules "HERBERT GARHAUPT". C'était l'hiver dernier, au tout début du mois de janvier, après quelques abus de boisson et de langage. J'avais punaisé le prospectus sur le mur malade de la cuisine, le mur mitoyen au sud qui prenait l'eau comme un curiste zélé, en me disant que je verrais ça aux beaux jours. Et mercredi dernier, le 30 avril, en voyant la feuille rose flétrie sur le mur vérolé, je me dis que la météo était bonne et que le temps était venu de faire quelque chose, tenter une offensive contre cette infection qui aime tellement son patient qu'elle le remplit comme le béton son coffrage, la tristesse.
Samedi est venu. Je me suis levé à 5h, ce 3 mai 1997. Pas l’ombre d’un chiffre pair. L’Anfang se présente bien. L'entrée de la planque se situe au bord du canal Saint-Martin, à coté de la porte d’une écluse. C'est un trou d'homme dans lequel on peut se laisser glisser après quelques contorsions. Dodus et rhumatisants s’abstenir. Ensuite, il faut descendre dans un puits cylindrique munis d'échelons. Une dizaine de mètres plus bas, le pied touche un sol dur et l'oreille démasque une voûte. Après le délai nécessaire à la rétine pour percevoir une infime clarté, le terrier se trouve être une cave, étroite mais haute, qui recèle une présence. À défaut d’y voir un peu plus clair, je me hasarde à grignoter un coin du silence, avec précaution, comme un gosse entame un petit beurre... « Entschuldigung, kann ich eine Fra... »... à peine ai-je prononcé ces quelques mots dans mon allemand de 3ème que la lumière naît en deux endroits précis, en bas des murs latéraux, ce qui dessine une perspective vers le fond de la cave. Les deux sources lumineuses révèlent deux petits cadres. À gauche, la photo d’un pilote devant un avion de chasse. En face, un portrait de Winston Churchill, tel qu’en lui-même, avec son gros air d’être anglais contre le monde entier. Une vision furtive happée par ma vue avide, mais aussitôt occultée par l'apparition d'un homme, trônant dans un bain de lumière au bout du corridor. Passé l’effet de surprise, je m'avance et je vois que cet éblouissement provient d'un canapé revêtu de feuilles de papier d'aluminium. Apparemment, le maître des lieux a l'âme d'un décorateur, ou alors c'est un grand maniaque, un vrai fondu de chocolat. Troisième possibilité, ce canapé est celui de la Factory d'Andy Warhol. Hypothèse fantaisiste, car à mesure que je me rapproche de l'homme, mes narines frémissent aux effluves d'un cacao, et pas n'importe lequel. Du Sao Tomé. Aucun doute, il y a du "Vila Gracinda" ici et pas qu'un peu. Pour s'imposer dans une cave pareille, il en faut un wagon !

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