jeudi 27 octobre 2011

Arrivé à la lisière du petit bois, le fils du bûcheron a un doute. Il ne se rappelle plus si son père lui a dit "coupe claire", ou "coupe sombre". Son gros doigt lui dit que c'est important, car il sait que l'on peut passer de l'une à l'autre, mais pas l'inverse. Son ami le veilleur au grain lui a expliqué la différence, mais le choix binaire est son talon d'Achille. Quand il y a plusieurs possibilités ça va, c'est quand il n'y en a que deux que ça lui pose un problème. Que faire ? La maison est à une heure de marche. Si jamais son père le voit revenir pour ça, il va faire des bonds. S'il est là, car souvent en début de matinée il va au bourg pour donner les consignes à l'épicier valétudinaire. L'épicier est de santé fragile, ça date de son enfance en Italie. Son père était conducteur d'autobus. Dans les années cinquante, la périphérie des grandes villes du nord était occupée par des cités dortoirs ou par des bidonvilles. La qualité de l'eau y était aléatoire et les maladies parasitaires assez répandues. Quand la compagnie des transports publics décida de se séparer des conducteurs qui buvaient du vin, la famille quitta l'amère patrie et migra vers la banlieue parisienne. La fragilité intestinale du jeune Maurizio était déjà un handicap. Courbevoie ressemblait alors à une petite ville américaine, avec son quadrillage de rues à angle droit, sans charme ni attrait particulier. Sauf un magasin qui occupait la moitié d'un pâté de maisons dans l'avenue Pierre Brossolette. Russelby Motos était un haut lieu du cyclotourisme, la Mecque du motard militant. Dans le petit monde des deux-roues, Russelby était synonyme de pièce détachée de qualité, d'accessoire de luxe. « T'as un couv' culbut' Russel... et un bouchon de rez ! Putain, tu te mouches pas du coude, mec ! »
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