samedi 10 septembre 2011

c'est le dernier fil ; un petit bout de fil qui relie la patte d'un chien, un petit chien en peluche, à un des pieds du lit de ma fille, du petit lit de ma fille, qui va avoir quatre ans ; en tout cas, tous les autres fils, les fils électriques, les câbles, de petite ou de grande section, toutes les ficelles, les cordes, les fils de coton, tout a été rongé, mangé, digéré à une telle vitesse qu'une nuit a suffi pour tout faire disparaître ; et c'est partout la même chose, chez les voisins, dans toute la rue, dans la ville entière, mais pas seulement ; partout dans le pays, et sur tous les continents ; sur la planète entière ; oui, c'est ce qu'annonce sans cesse, mais de plus en plus faiblement car les piles s'usent vite, la seule radio que nous avons chez nous et qui... voilà ; c'est fini ; elle aussi s'est arrêtée, car il y a sûrement aussi des fils dans cette petite radio à piles ; plus d'électricité, tous les fils détruits ; aucune voiture ne fonctionne plus ; sans fil, sans câble, rien ne démarre, rien ne tourne ; les trains, les avions sont immobilisés sur la terre entière ; immobilisés sur les pistes et les voies, comme des cadavres encore tièdes attendant le légiste ; et personne n'a parlé de tous les accidents, de toutes les catastrophes causées pendant la nuit par cette disparition de tout ce qui est fil ; et en tournant dans la maison comme un animal décérébré, je m'aperçois que les rideaux commencent à fondre ; tous les fils qui les tissent s'évanouissent dans le silence ; je n'ai plus de nouvelles des autres, de mes enfants à l'internat, de mon mari parti en mer ; les téléphones sans fil, qui devraient fonctionner, ne captent ni n'émettent plus rien ; sans doute aussi à cause des fils placés dans les relais et dans les satellites, quelque part en tout cas ; le monde entier, notre monde de tous les jours est en train de s'écrouler, à une vitesse vertigineuse, mais vous ne me croyez pas, et je remonte les escaliers conduisant à la chambre de ma petite fille, elle dort encore, paisiblement, et je n'ose pas la réveiller, et je regarde ce petit chien avec son fil à la patte, ce fil qui n'a pas changé, et je le touche, je le tire, il tient encore, il est intact, solide, un fil de nylon, de pêche peut-être, où l'a t-elle donc trouvé et pourquoi a t-il résisté... je le lâche, le reprends, le tire à nouveau, le relâche ; il est souple, élastique, pourquoi donc résiste t-il... je prends la patte du chien et je tire dessus de toutes mes forces, mais le fil tient, je tire plus fort, encore plus fort ; et soudain il casse ; et aussitôt cassé, il se recroqueville, chacun des deux bouts rétrécit et disparaît sous mes yeux ; c'était le dernier fil, je l'ai cassé ; HELP ME, I BROKE THE THREAD !

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