lundi 18 juillet 2011

La scène se passe dans un bar. Il fait jour, dehors on peut voir la rue d’un village. Paysage champêtre de vallées et de montagnes. Les couleurs sont vertes et grises. Non. Ni vertes, ni grises. Gris-vert. La Suisse ? L'Autriche ?? Des musiciens répètent sur une mezzanine au fond de la salle. Ils sont trois. Il y a Peter Green, Jeremy Spencer et un grand blond aux cheveux courts, visiblement un homme du nord. Chacun a un instrument, enfin c’est ce qu’on pourrait penser à première vue, car chacun émet des sons. En réalité, la musique autour de Peter ne provient pas d’un instrument. Il a les mains vides, et pourtant il joue puisque des harmonies émanent de lui. Jeremy, lui, est parfaitement conforme. On dirait Jack White qui aurait rétréci au lavage. L’œil est pétillant, le système pileux et capillaire abondant, la taille minuscule aussi bien en hauteur qu’en tour de hanches, bref c'est un elfe sorti d'un rêve d'adolescent. Il a sa petite Fender noire et blanche, dont il joue bizarrement. À la fois vers le chevalet et entre les cordes, là où sont les micros. D'entre les cordes dépasse une petite antenne, pas plus longue qu’un double décimètre. Jeremy triture le chevalet et l’antenne à la façon d’un vibrato pour produire un son saturé, une sorte de boucle musicale à la Terry Riley. Le grand blond est un virtuose. Sa guitare est bizarre. Si on peut appeler ça une guitare. À l'extrémité du manche, le chevillier est monté sur un axe qui permet la rotation des six chevilles à la manière d'un Rubik's cube. Il les fait tourner d'une main, tout en jouant les cordes de l'autre, ce qui a pour effet de modifier instantanément le son, du classique au flamenco, en passant par le jazz ou le rock. C'est ahurissant de complexité. Je jette un regard vers Peter. Un petit sourire lui donne un air mystique. Je ne reconnais pas l'homme que j'ai vu sur les photos. Il est plus petit que je ne l’imaginais, imberbe, les cheveux mi-longs, sans volume. Un filet de voix sort de ma bouche... Peter, will you make some dates in France ?... Il n’a sûrement pas entendu, ou alors il n'a rien compris. Je rassemble mes esprits pour lui répéter la question, quand une petite voix cristalline s’élève au milieu des notes éparses. Not in France, but in the south of Germany... My God, je rêve ! Peter Green m’a parlé ! (...) Un peu plus tard, dans un jardin public avec des petits bassins et des rocailles. Le concert a commencé. Aucun morceau n'est chanté. Ce sont uniquement des instrumentaux. Il y a très peu de monde alentour. Juste quelques promeneurs qui s’attardent un instant, des femmes avec leurs enfants. Le concert s’étire en de longues improvisations. Rien d'identifiable là-dedans. J’attends la fin pour faire une demande qui me brûle la langue. Je prépare soigneusement ma phrase... Peter, would you please sing a little one from... non c’est trop froid... pas assez chaleureux... Peter, if you please, dig a bri... ¤¤??-¤--§---\°/-$-->!< ... une petite voix s'élève. C’est Jeremy qui pousse la chansonnette, très haut dans les aigus, à la Speedy Gonzalez... "Hey Johnny, what colour are her eyes ?"... et Peter d'enchaîner "I don’t know, she’s always wearing shades !"... et c'est parti pour un great big kiss d'enfer !!

1 commentaire:

  1. Le troisième esprit ne serait ce pas Danny Kirwan? Si c'est lui, qui lors de ce lointain après midi accompagnait Peter et Jeremy, Benoît Feller a raconté, ailleurs, la même scène; dans mon souvenir, Benoît Feller, évoquait lui, l'apparition de trois mages; il ne se souvenait pas du lieu ; mais de l'époque, qui pour lui fut une épiphanie.
    A ce niveau d'amour vous devriez vous contacter.
    Quant au lecteur: il aimerait en savoir plus !
    Grâce à la machine, Le Verbe recommencerait un cycle?! Comme lorsque quelques mages anglais découvraient les Prophètes marabouts envouteurs ...
    Stratocielo.

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